Je prépare sérieusement mon départ en république d'Irlande qui aura lieu le 15 avril pour une durée de quelques mois. Intéressons nous à l'histoire de l'île. L'Irlande a vécu des périodes très difficiles, telles que les très grandes répressions envers les catholiques (un véritable apartheid) sous les lois pénales, ou encore la Grande Famine qui a entraîné l'émigration de plusieurs millions d'irlandais.(milieu du 19ième siècle). Petits récapitulatifs des grandes périodes de l'Histoire irlandaise.
L'arrivée des Celtes: au VI ème siècle av.JC, des population celtes venues d'Europe occidentale envahissent l'île. Parmi elles, les Gaël s'imposent et imposent leur langue.
La christianisation: Saint Patrick est, à partir de 432, le véritable évangélisateur de l'Irlande. Le pays est à cette époque divisé en 4 provinces: Leinster, Munster, Connaught et Ulster.
L'âge d'or: L'évangélisation s'accompagne d'un essor de la littérature et de l'épanouissement des arts, principalement au 7ième et 8ième siècles. Le Book of Kells, manuscrit enluminé de l'an 800, est un beau représentant de cette période.
Les raids vikings: ils débutent à partir de 795. Les vikings conduisirent de véritables expéditions guerrières, pillèrent les monastères et commencèrent à s'installer à partir de la moitié du 9ième siècle. Dublin, Cork, Waterford sont fondées. Il faut attendre la bataille de Clontard, en 1014, pour mettre définitivement fin à la présence Viking en Irlande.
L'arrivée des colons anglais: suite à la bataille de Hastings en 1066, les Normands s'installent en Bretagne. Les anglo-normands arrivent à partir de 1170, suite à l'appel du roi du Leinster, Dermot MacMurrought, pour reconquérir son royaume. Ils s'installent alors sur l'île, par la force, construisent des châteaux forts (les nombreux châteaux anglo-normands de l'île), mais finissent, après trois siècles, par plier face au Gaëls. Le Pale, qui marquait la limite de leur territoire, ne devint bientôt qu'une mince bande côtière de Dublin à Dundalk. Mais le pas était franchis: l'Angleterre était sur place.
Répressions et Rébellions: Dîmes, confiscation des terres, exil...Henri VIII d'Angleterre, proclamé roi d'Irlande en 1541, prit une série de mesures répressives à l'encontre des catholiques irlandais, par peur que le catholicisme ne se répande en Angleterre. La fin du 16ième siècle vit le soulèvement de toute l'Irlande et de ses comtes à la bataille de Kinsale (1601)...les comtes furent battus. Suite à l'exil des comtes d'Ulster sur le continent (fuite des comtes, 1609), la politique de plantation du Nord de l'Irlande s'intensifia. les protestants, d'origine écossaise et anglaise, s'installèrent, prirent les terres. Derry devint Londonderry. Trinity college, l'université de Dublin, était interdite aux catholiques. Hégémonie culturelle de l'Angleterre.
L'impitoyable Cromwell: Pour parer aux tentatives de rebéllion des catholiques irlandais, l'anglais puritain Oliver Cromwell est envoyé sur l'île en 1649 et engage deux années de répression féroce: massacre des rebelles, expropriation des terres catholiques, envoie des propriétaires dans le Connaught ("to Hell or to Connaught"). Les anglais s'installent alors sur leurs terres fertiles de l'Est et des midlands.
Les lois pénales: après un siècle de colonisation britannique et autant de révoltes irlandaises, l'administration anglaise donne un cadre juridique au pays, à travers les lois pénales, une forme inégalée d'oppression contre une minorité dans un État de droit. Les catholiques n'étaient ni éligibles ni électeurs, exclus de l'armée, des services publics, de la magistrature et de toutes les professions libérales. La messe catholique devint pratiquement hors-la-loi. Alors naquit pour les catholiques l'Irlande secrète. Celle des messes clandestines et des écoles de haies et des buissons: l'enseignement du gaélique se dispensait dans le bocage.
Les United Irishmen: A l'époque de la révolution française, un jeune avocat protestant, T.Wolf Tone, créa à Belfast le mouvement des United Irishmen qui se fixait comme objectif l'établissement d'une législation en Irlande garantissant les libertés politique et religieuse pour tous. Les protestants conservateurs créèrent en réaction une organisation pour assurer leur domination: l'ordre d'orange. La répression continua. En 1800, le premier ministre anglais William Pitt se convainquit que la seule façon de préserver la suprématie spirituelle des protestants était de rétablir l'Union Act avec l'Angleterre. Ce fut fait en 1801, le parlement de Dublin fut supprimé et le pays passa totalement sous la juridiction de l'Angleterre. Le Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande était né. Les conditions de vie des catholiques devinrent encore plus difficile, et l'émigration reprit de plus belle.
L'émancipation des catholiques: Daniel O'Connell, avocat formé après l'abrogation des lois pénales, se révéla. Nationaliste convaincu mais opposé à la violence, il s'attacha à la création d'un mouvement de masse puissant pour obtenir l'abrogation de l'Union. En 1829, Londres accorda le Catholic Emancipation Act autorisant les catholiques à participer aux élections. Il se battu toute sa vie pour l'émancipation des catholiques.
La grande famine: de 1845 à 1850, le mildiou, maladie de la pomme de terre, ravagea la plupart des cultures. La famine ne tarda pas à frapper violemment. Les gens mourraient par dizaines de milliers. Pendant ce temps, le commerce avec l'Angleterre continuait tranquillement, Londres ayant refusé d'arrêter l'exportation de vivres malgré les circonstances. Ainsi, lorsqu'un navire arrivait plein de victuailles pour les affamés, six bateaux lourdement chargés de blé ou de bétail quittaient les ports irlandais pour l'Angleterre. Pour permettre aux ouvriers agricoles au chômage et aux paysans ruinés de survivre, le gouvernement anglais organisa aussi des travaux d'utilité consistant à dégager les pierres de champs et à monter des murets. C'est l'origine des paysages de l'ouest. Mais pour beaucoup de personnes, une seule possibilité: l'émigration. Des centaines de milliers de personnes s'entassèrent comme "fret de retour" sur des bateaux pour l'Amérique, vite surnommés les coffin boats à cause de l'énorme taux de mortalité à bord. Les conséquences économiques et humaines de la famine et de l'émigration furent désastreuses: en 10 ans, la population passa de 9 millions à 6 millions d'habitants, puis 4 millions au début du 20ième siècle. En décimant les populations rurales, la Grande Famine fit plus pour la destruction de la langue gaélique que cinq siècles d'occupations anglaise.
Les Fenians: une autre conséquence de la Grande Famine fut la création de l'Irish Républican Brotherhood (le mouvement Fenian), organisation d'irlandais d'Amérique qui tentèrent plusieurs insurrections. Sans succès.
La lutte pour le Home Rule et la réforme agraire: Dans une conjoncture difficile pour les paysans irlandais, le fenian Michael Davitt fonda la ligue agraire en 1879 (land league), afin de restituer aux irlandais leur droit ancestral à la terre. Auparavant, en 1870, s'était crée le Home Rule Party (parti pour l'autonomie), qui remporta plus de la moitié des sièges irlandais au Parlement britannique, dont le protestant au cœur irlandais Charles Parnell devint le représentant. Face à l'agitation populaire, Londres se résolut en 1881 à entamer une vraie réforme agraire, et autorisa les petits paysans à récupérer leurs terres. Ainsi, alors qu'on comptait 5% de propriétaires irlandais en 1878, on en comptait 70% avant la première guerre mondiale.
Le renouveau de la culture gaélique et la création du Sinn Féin: un nouveau parti politique est crée en 1905: le Sinn Féin, auquel se joignirent de nombreux irlandais, notamment les Fenians. La signature du décret d'application du Home Rule en 1914 par Londres, diffusant sa mise en œuvre à la fin du conflit mondial généra la déception des nationalistes. Mais la situation de guerre extérieures prit le pas sur les risques de guerre civile: si les protestants soutenaient sans réserve l'effort de guerre de la Grande Bretagne, les républicains étaient partagés. En 1916, une insurrection - dite insurrection de Pâques - éclata à Dublin. La Grande Poste fut occupée par les républicains. James Connoly et Patrick Pearse proclamèrent la république dans une célèbre déclaration: "Nous proclamons ici la république d'Irlande, État indépendant et souverain, et nous engageons nos vies et celles de nos camarades d'armes dans la cause qui mènera à sa liberté, sa prospérité et son accession au rang des nations". La résistance à l'armée britannique dura une semaine, puis les rebelles durent se rendre. Tous les chefs républicains furent fusillés, sauf Eamon De Valera (nationalité américaine). James Conolly, blessé, fut fusillé assis sur sa chaise. L'opinion publique, en état de choc, bascula du coté de l'insurection.
La guerre d'indépendance: De Valera s'évada avec l'aide de Michael Collins, chef des services secrets de l'IRA. S'ensuivirent deux ans de guérilla contre l'armée et la police anglaise. Pour faire face à de lourdes pertes, Londres envoya des régiments de mercenaires, les Black and Tan. Finalement, en juin 1921, les deux parties furent contraintes de négocier un cessez-le-feu. Le 6 décembre 1921, les négociateurs républicains (dont Michael Collins) signèrent un traité relativement hypocrite. Les anglais reconnaissaient la souveraineté de l'État libre sur toute l'île, mais exigeaient la création dans le Nord d'un mini Etat de six comtés à majorité protestante, à qui serait donné le droit de choisir de rester ou non membre du Royaume Uni. En 1922, ce droit fut utilisé, et ainsi naquit l'Irlande du Nord. Plusieurs milliers de catholiques en Ulster devinrent otages.
La guerre civile: une guerre civile éclata entre pro- et anti- traité. Elle dura deux ans, finit par opposé De Valera et Collins, et fit plus de victimes que la guerre d'indépendance. Les anglais pourvurent largement an armes les troupes de l'État libre contre les rebelles anti-traité. Répression brutale. En avril 1923, De Valera appela à déposer les armes et à lutter par d'autres moyens.
Une adolescence difficile: c'est à cette période que naquirent deux partis politiques aujourd'hui majeurs: le Fine Gael, favorable à la partition, et le Fianna Fail, visant à stabiliser le jeune État libre tout en maintenant l'idée de la réunification de l'île à long terme. De Valera, du Fianna Fail, arriva au pouvoir aux élections de 1932 et mena ensuite une longue guerre économique contre le Royaume-Uni. En 1949, l'Irlande du Sud devint officiellement une république, l'EIRE, et quitta le Commonwealth. L'Ira, quant à elle, ne renonçait pas à la libération totale de l'île. Elle s'était une nouvelle fois lancée dans l'action dès 1939, lors de la bombing campaign, visant des villes britanniques.
Vers l'âge adulte: depuis 1951, le Fianna Fail revient au pouvoir pour de longues périodes à l'issue desquelles il cède la place à une coalition de partis d'opposition. En Irlande du Nord, les "Troubles" commencent dans les années 60 entre catholiques et protestants. Dans le Sud, l'adhésion à la CEE en 1973 prépare de grandes métamorphoses, illustrées par le septennat de Mary Robinson (de 1990 à 1997), militante de longue date pour le droit à la contraception, au divorce, à l'homosexualité, à l'égalité des sexes et à l'avortement. Son septennat à vu la transformation sociale la plus profonde que l'Irlande ait jamais connue.
Le Tigre celtique: dopée par les crédits européens, stimulée par l'appartenance à l'Union, l'Irlande a reconstruit son identité. Sur le plan économique, les années 1990-2008 furent phénoménales, et l'Irlande devint un des pays au PIB le plus élevé d'Europe. Sur le plan de l'Histoire, l'Irlande signa en 1993 une déclaration historique. D'une, les Britanniques admettaient de respecter le vœu de la majorité des habitants d'Irlande du Nord, si un jour ceux-ci se prononçaient en faveur d'un rattachement au Sud. De deux, l'Irlande acceptait de ne pas rechercher la réunification de l'île sans le libre consentement de la majorité de la population du Nord. De trois, elle confirmait, en cas de réunification, la nécessité de changements en profondeur dans sa constitution pour tenir compte de la nouvelle minorité. Depuis, après plus de trente ans de haine et de déceptions, protestants et catholiques sont invités à enterrer la hache de guerre. Quand à la diaspora irlandaise, elle s'élèverait à 40 millions, principalement aux USA et en Australie.