France/Rhône-Alpes/Ain - Une journée à Priay
"Si en Europe les caractéristiques biologiques et écologiques des cours d'eaux sont connus depuis près de 70 ans, en Guyane, les premières études remontent seulement aux années 1980. Aujourd'hui, une vaste étude sur les petites criques de têtes de bassin versant est mise en oeuvre afin de proposer aux gestionnaires une méthode qui permette de définir un indice de qualité de ces milieux. L'objectif étant, à terme, d'y évaluer l'impact des activités humaines." Cette phrase introductive est issue du 9ième numéro de la formidable revue "Une saison en Guyane", semestriel de grande qualité qui décrit, photos à l'appui, l'ensemble du plateau des Guyanes, du Vénézuela à l'Amapa au Brésil, sous l'angle des activités économiques, de la Nature, de l'Histoire, interrogeant certaines personnes, décrivant des programmes scientifiques en cours etc. Le genre de revue formidable pour les personnes s'intéressant à une région géographique donnée, alors que la plupart des revues du genre portent essentiellement sur des articles en lien avec le tourisme. Découvrir ce numéro un dimanche d'août permet de s'évader par la douceur des textes et la beauté des clichés photographiques. On y apprend que "ces petits cours d'eau, que l'on franchit à pied, sont des milieux naturels sensibles qui abritent des espèces que l'on ne rencontre pas souvent. Il reste encore un voile à lever sur ces écosystèmes et sur l'écologie des communautés aquatiques qu'ils abritent." Quelques pages plus loin, l'interview d'un photographe subaquatique et gérant d'un bureau d'études laisse rêveur l'amateur d'ichtyologie, de photographie de la nature ou tout amateur d'aquariophilie d'eau douce: "la passion de la nature est un phénomène inexplicable qui vous prend au berceau: on préfère regarder les grenouilles plutôt que les voitures, élever des poissons plutôt que collectionner des petits soldats. L'envie de montrer ces spectacles que si peu de personnes prennent la peine d'observer, ainsi qu'une sensibilité artistique, m'ont amené naturellement à photographier la nature." Puis un peu plus loin: "j'ai toujours été étonné de voir que les gens connaissaient mieux la faune des récifs coralliens que celle des rivières qui coulent devant chez eux." Après quelques minutes à révasser à ce genre d'observations naturalistes particulièrement intéressantes et atypiques, cette remarque fait "tilt".
Une semaine de canicule plus tard. Dans une sorte de symbiose entre un principe de plaisir et un champ de compétences professionnelles, la chaleur estivale est l'occasion de photographier la rivière d'Ain, sauvage et préservée, et découvrir, à l'aide d'un masque et d'un tuba, ses habitants subaquatiques.
L'observation d'une petite dizaine d'espèces de poissons dans leur milieu naturel est particulièrement plaisant. On y découvre que certaines espèces s'observent plus particulièrement dans des parties peu agitées du lit de la rivière. Au contraire, les barbeaux communs ont été vus systématiquement près du fond dans les parties de la rivère à fort courant. Puis, retournant quelques pierres, des espèces benthiques sont alors observées. La loche, par exemple. Ces observations sont particulièrement sympathiques dans une rivière à l'eau peu chargée en limons. L'intérêt personnel est là, et peut être complété par la découverte des bases de données sur la diversité biologique des espèces en Europe, telle que la base de données Faune Europaea, crée par la commission européenne. On y découvre par exemple en quelques clics que les chiroptères, nos chauve-souris, regroupent 54 sous-espèces sur l'ensemble du continent. La préservation des berges de l'Ain donne une tonalité amazonienne à celle-ci, alors que nombre de rivières apparaissent souvent canalisées en France métropolitaine.
L'observation naturaliste dans un cours d'eau européen n'offre bien sûr pas le même nombre d'espèces que celle pratiquée dans un milieu tropical marin. Mais, couplé à des lectures scientifiques ou grand public, ce moyen efficace d'allier sport, détente et culture générale permet aussi de prendre davantage conscience des interactions hommes-environnement. Un moyen simple, économique et efficace de se rappeler que même si traverser un océan permet de découvrir des environnements naturels particulièrement différents de ceux rencontrés quotidiennement, de nombreuses richesses naturelles existent autour de chez soi et méritent tout autant une attention particulière de la part des habitants sensibles aux enjeux environnementaux des territoires anthropisés européens.