Suriname - Paramaribo, mobilités multiculturelles
Paramaribo. Une ville particulièrement méconnue en France métropolitaine, mais dont l'atmosphère m'aura quelque peu interpellée lors des trois petites journées passées en son centre en 2009. Il faut dire que le Suriname n'est pas une destination très touristique. Mais continuant à lire sur cette belle région du Monde qu'est le plateau des Guyanes, je dois dire que capitaliser sur cette micro-expérience touristique de mai 2009 est un petit bonheur que la toile permet d'alimenter. Par exemple par la lecture du site d'information anglophone sur le Suriname, Devsur : our story, by us. Et puis en plus des médias traditionnels, sites d'information ou livres, se cachent des publications et études plus techniques mais pas moins inintéressantes. Notamment, un article consacré à la ville, rédigé par H.J.L.M (Hebe) Verrest, une géographe néerlandaise spécialiste des villes de la région carribéenne. Mixant quelques éléments de son travail à des articles lus ici ou là, cet article présente quelques traits de cette ville atypique d'Amérique du Sud.
La capitale surinamaise, principal pôle économique, social, politique et administratif du pays, ressemble, malgré sa position en Amérique du Sud, davantage à une ville carribéenne qu'une ville sud-américaine. Le Suriname est localisé sur la côte nord du continent sud-américain, et la grande majorité de ses habitants (environ 500 000) sont localisés sur les côtes. De 1667 à 1975 le Suriname était une colonie hollandaise. Durant le 20ième siècle, la production de bauxite remplaça rapidement l'agriculture comme principale ressource économique. Le Suriname intensifia son autonomie à partir de 1954 et devient indépendant en 1975. La croissance et composition de Paramaribo reflète son histoire turbulente. Des habitants d'origine ethnique, sociales, géographiques et éducatives variées peuplent la capitale surinamaise. L'arrivée de groupe variés a ainsi changé la structure ethnique de la population de la capitale. Alors que les personnes créoles formaient 80% de la population surinamaise, cette proportion n'a cessé de diminuée jusqu'au recensement de 2004, comme le met en évidence la figure ci-dessous. Ce métissage croissant des habitants surinamais est un processus en cours, changeant régulièrement le profil de la ville.
Xie Da, lui, est d'origine chinoise. Son histoire est raconté dans l'avant-dernier numéro d' Une saison en Guyane. "En 2002, à 32 ans, Xie Da a quitté son foyer dans la province chinoise du Fujian pour rejoindre le Suriname. Un ami lui avait parlé de bonnes affaires à saisir dans ce pays néerlandophone. Au début, ce fut très difficile de trouver un emploi, et les postes proposés étaient très mal payés. Xie a débuté dans un supermarché. Xie Da est ensuite intérrogé: "au début, j'ai travaillé très dur, ne gagnant que 80 dollars américains par mois, juste de quoi m'en tirer et payer mes appels téléphoniques en Chine. Rêvant d'une vie meilleure, Xie ne s'en est pas laissé abattre pour autant, il a alors quitté son emploi, et tenu tour à tour trois petits restaurants, ne connaissant le succès qu'avec le dernier. Puis il a lancé son propre supermarché. Persuadé que la vie au Suriname lui sourirait un jour ou l'autre ainsi qu'à sa famille, Xie n'a jamais cessé de prendre des risques. "Partout dans le monde, les migrants chinois ont d'abord recours au commerce de produits chinois bon marché comme moyen de survie, et finissent par accompagner la filière, tout en abandonnant les marché saturés et en évitant d'entrer en concurrence avec d'autres migrants chinois, selon le sinologue Tjon Sie Fat. Au fil des années, les magasins bon marché ont fait place à des établissements, restaurants, hôtels et casinos de grande envergure. "Avec le temps, ces migrants chinois finiront par s'éloigner de l'emplacement de leur première installation, essaimant d'abord autour de la périphérie de Paramaribo, puis vers les régions voisines fragiles sur le plan institutionnel et offrant les meilleures perspectives de marché : de la périphérie surinamaise à la Guyana, et à un degré moindre vers la Guyane française. La migration en chaîne est un modèle d'immigration selon lequel un migrant déjà installé recrute quelqu'un d'autre de sa région natale, habituellement un proche, pour venir travailler dans son entreprise. Sur place le nouveau migrant apprend les ficelles du métier tout en payant sa dette de parrainage, et éventuellement lance sa propre entreprise, recrutant à son tour de nouveaux migrants comme travailleurs. Selon Tjon Sie Fat, l'intrégration a opéré dans les deux sens. Depuis plus d'une décénnie maintenant, un marché chinois fonctionne dans la capitale Paramaribo, les nouveaux migrants ont amené de leurs nombreuses régions une grande variété de légumes, produits alimentaires et autres en-cas. "Prenez le marché chinois du dimanche, qui a été adopté par la population locale, la tolérance conduit à l'intégration, et dans ce cas, l'intégration conduit à la tolérance, créant un cercle vertueux".
Marché chinois du dimanche, Paramaribo, mai 2009
Louis Autar n'est plus. Vous racontant ses quelques aventures dans un article précédent, je me demandais alors si j'étais capable de rentrer en contact avec lui via la toile...et c'est pourtant dans un vieux numéro de National Geographic de juin 2000 que j' en découvrais un peu plus sur ce feu spécialiste surinamien des tortues marines ! " Ainsi, la mère de Louis Autar a été amené "par contrat" depuis Java quand elle avait 15 ans. Récemment décédé, Louis était un spécialiste reconnu des tortues de mer géantes du Surinam. Il était né dans une plantation au bord de la rivière Commewijne appelée Het Vertrouywen (La confiance). Malgré ce nom prometteur, la vie des paysans n'avait rien de plaisant. Lors d'une visite chez lui, dans les faubourgs de Paramaribo, Louis m'a raconté sa jeunesse. Nous étions installé dehors, sur des chaises en plastique, et sirotions un soda à l'orange. Il parlait tantôt en hollandais, en anglais, tantôt en sranan tongo, une langue créole autant utilisée que le hollandais. " En 1917, après huit ans, ma mère a décidé de rester au Surinam et d'acheter trois lopins de terre. Elle avait réussi à économiser assez sur son salaire journalier d'un peu moins de 3 francs. Bien évidemment, ce n'était pas drôle tous les jours. On n'avait pas d'éléctricité et on ne buvait que l'eau de pluie. Je suis né à la saison sèche ; ma mère était obligé de me laver les dents à l'eau de mer." Louis était bon élève, mais ses parents n'avaient pas les moyens de l'envoyer au lycée. A 14 ans, il part s'installer sur la côte et s'improvise braconnier ; il dérobe les oeufs des tortues luths pour les revendre aux Javanais de Paramaribo, qui en sont très friands. Des années plus tard, il se fait prendre par les Hollandais. le jour même de son arrestation, les autorités lui proposent de travailler au Service des forêts, un des meilleurs, en ce temps-là, d'Amérique du Sud. Ils n'en revenaient pas que je connaisse si bien les tortues de mer, se rappellet-il. Protéger ces oeufs était largement plus lucratif que de les revendre illégalement. le Service m'a donné de l'argent pour construire un vivier. En tout, j'ai remis 16000 de ces tortues à la mer. Après l'indépendance, quand les militaires ont pris le pouvoir, on m'a coupé les fonds. Avec la montée de la mer, mon vivier n'est plus qu'un remblais de boue."
Un élément est également expliqué par Hebe Verrest: Paramaribo se compose de différents quartiers ou mixités sociale et ethnique sont fortes, sans réelles zones de non-droit et autres aires à totalement éviter. Même pour les touristes ?
Une souris et...Louis Autar, Suriname, années 60
Louis Autar ne m'est pas connu, peut-être n'est-il même plus de ce monde, mais la lecture récente d'une publication sur les effets létaux et non létaux de la prédation des tortues marines adultes m'invite à écrire de nouveau sur ce thème. Voilà 4 ans que je suis rentré de Guyane, mais la magie d'internet ou des livres me permet de continuer à mûrir ma connaissance et compréhension du plateau des Guyanes, qui va du Vénézuela au Nord du Brésil. Un des outils de travail très utile est l'acquisition d'un niveau d'anglais bilingue (dans le sens : non-gênant dans aucune situation), qui donne accès à une multitude d'études et ouvrages de grande qualité sur la région. L'expérience bénévole de l'époque, 4 mois sur le projet de conservation des tortues marines géré par l'association Kwata en 2009 me permet aussi de continuer, petit à petit, à apprendre sur la conservation de ces espèces. Non pas que j'en ai besoin dans mes activités quotidiennes depuis 4 ans, mais c'est un sujet intéressant car il touche à la fois à des espèces emblématiques des mers et océans, à des enjeux écologiques importants pour les habitants des littoraux, et à des problématiques internationales, certains specimens de tortues luth se retrouvant sous des lattitudes variées. Et puis, en tant qu'adhérent "passif" de l'association Kwata, qui met en oeuvre le programme de conservation des tortues marines au niveau de l'île de Cayenne, il est intéressant de lire ponctuellement quelques publications scientifiques produites soit par l'association, soit par d'autres structures...d'autant plus qu'il est possible de bien visualiser les expériences décrites.
Suivi télémétrique de 16 tortues vertes sur le plateau des Guyanes par le WWF, 2012
Ces lectures ont aussi l'utilité professionnelle de maintenir des compétences qui s'en iraient au fond du tiroir, du fait de l'obligation de spécialisation poussée générée par le marché du travail: les métiers de l'ingénierie de l'environnement, comme beaucoup d'autres, nécessitent de se spécialiser pour pouvoir obtenir des projets et financements dédiés; toutefois, le bénévolat associatif est un formidable outil pour s'ouvrir à de nouvelles thématiques et développer des compétences permettant d'agrandir son employabilité. Ainsi, comprendre progressivement comment est mis en oeuvre un programme de conservation de la Nature ainsi que les méthodes et technologies utilisées ne servira pas à mon champ de compétences actuel, mais pourra peut-être un jour être utile professionnellement, qui-sait ! La vie professionnelle est encore très longue, quand on est en début de trentaine...
Pour en revenir à Louis Autar, c'est donc grâce à la magie d'internet et de l'anglais bilingue que je lisais, en cette pâle matinée du 30 novembre 2013, son retour d'expériences sur les attaques de tortues marines par les jaguars au Suriname. En fait, son expérience est relatée ici, mais, la trouvant stimulante, je la traduis sur ce blog.
Sea Turtles Attacked and Killed By Jaguars in Suriname
Louis Autar, 1994
Marine Turtle Conservation Program, Surinam Forest Service, P. O. Box 436, Paramaribo, Suriname
" En 1963, la plage Bigisanti dans la réserve naturelle Wia Wia, au Suriname, était un site de ponte de quatre espèces de tortues marines: verte (Chelonia mydas), luth (Dermochelys coriacea), olivâtre (Lepidochelys olivacea), et imbriquée (Eretmochelys imbricata). En août de cette année, Je suis allé à Bigisanti durant une semaine. Là, je découvris trois tortues mortes: deux vertes et une luth. Elles avaient été tuées par un jaguar. La tortue luth et une des tortues vertes avaient été tuées depuis environ une semaine, mais l'autre tortue verte était encore fraîche. Je remarquais que la dernière carcasse était entourée d'urubus noirs, et que cette dernière tortue avait encore des oeufs dans son ventre. J'étais curieux, et sortis les oeufs du ventre de la tortue verte. Alors que j'avais sorti l'ensemble des oeufs dans un sac, les vautours s'envolèrent soudainement. Je me demandai ce qui avait effrayé les oiseaux. Lorsque je me retournai, je vis un jaguar (Panthera onca) me regardant à deux mètres. Alors que j'étais accroupi, je me sentis piègé. Je laissai le sac rempli d'oeufs et me déplaçai centimètre par centimètre. J'étais chanceux de voir que le jaguar resta où il était, mais il continua à me regarder alors que je reculais. La plage était d'une largeur de 60 mètres, et quand j'étais à environ 5 mètres du jaguar, Je bondis et courus vers la mer. Après environ 1h30, je retournais vers la tortue morte. Je fis beaucoup de bruits, mais le jaguar apparu encore. Après avoir attrapé le sac d'oeufs, je courus en direction de mon camp.
Pendant plusieurs années après l'incident, j'ai enregistré le nombre de tortues mortes attaquées et tuées par les jaguars sur les plages du Suriname. (n/r = not recorded that year):
Comptage des attaques de tortues marines par les Jaguars sur les sites de ponte du Suriname, par Louis Autar Krapé: verte ; Aitkanti: luth; Warana: Olivâtre
Je suis certain que des morts additionnelles ont eu lieu en 1973; toutefois, les carcasses n'ont jamais été trouvées.
Le problème est persistant. Henri Reichart (Conseiller Technique Senior, Suriname Forest Service) a compté 13 tortues vertes tuées sur la place Galibi (est de Bigisanti) dans l'intervalle de quelques jours en 1980. De 1980-1981, environ 200 vertes de trois ans furent tuées et mangées par deux jaguars, un mâle et une femelle. En l'espace de quelques semaines après avoir découvert cela, les deux jaguars furent tirés et tués. La décision de tuer un jaguar n'est jamais facile, mais parfois il n'y a pas de choix. Les jaguars sont protégés des chasseurs au Suriname et leurs populations sont considérées comme en bonne santé."
France/Guyane - Dirty Paradise, pour introduire l'orpaillage
Dirty Paradise, de Daniel Schweizer, cinéaste genevois, est un documentaire de haute qualité cinématographique, parlant de l'orpaillage clandestin et ses conséquences sur la vie des amérindiens wayana dans le haut-Maroni. Ce film a été diffusé dans le cadre du festival du film et forum international sur les droits humains, et c'est avec un peu de plaisir mais aussi un peu de peine que je le découvrais en ce triste dimanche grisâtre de mars. Un peu de plaisir, car la qualité cinématographique de ce documentaire est indéniable. Des images splendides, des entretiens de qualité et un traitement du sujet plutôt complet. Et de la peine car la lutte contre ce fléau environnemental et sanitaire pourrait avoir des conséquences irréversibles pour les villages concernés, et pour l'environnement autrement préservé du territoire guyanais. Je suis revenu de Cayenne il y a maintenant quelques mois. Quelque soit l'endroit et le poste concerné, un contrat d'un an est court, très court, mais comme il me reste près de 40 ans à cotiser, des opportunités pour retravailler dans ce beau département habitées par de chouettes personnes, il y en aura probablement d'autres !
Allez, je retranscris avec une précision approximative les grandes lignes du débat qui a suivi ce film et qui s'est déroulé en présence du réalisateur, de Michel, un amérindien wayana venu à Genève pour témoigner avec quelques autres compères, et de deux ou trois autres professionnels ayant consacré leur vie professionnelle au travail avec les petites communautés minoritaires au sein de nombreux pays en Europe, en Amérique du Sud ou ailleurs. Ce débat, d'environ 45 minutes, m'a semblé assez juste tant par les avis de Michel sur la situation des siens que par les réflexions sur les problèmes dans la vie de tous les jours des amérindiens du Haut-Maroni. J'en profite pour glisser quelques photos de cette région de Guyane, prises par mes collègues de l'époque.
Lutter contre l'orpaillage: quelles solutions ? C'est la première question sur laquelle le débat a porté. Pour Michel, la lutte est quasiment impossible compte-tenu du statut international des eaux du Maroni, de la passoire totale que constituent les frontières de la Guyane, du nombre important de chercheurs d'or (peut-être 10 000 garimperos), de la sporadicité des opérations de l'armée (Anaconda, Harpie etc).
Vue de Maripasoula (photo prise par mes anciens collègues)
Face à ces difficultés géographiques, tout le monde s'accorde à dire que la France ne pourra probablement pas s'en sortir seule pour supprimer ce fléau irréversible. Alors, quelles solutions ? la coopération, et pas qu'un peu. Cet argument, je l'avais déjà entendu régulièrement lors de ma présence en terre guyanaise. Une coopération renforcée entre les autorités françaises, brésiliennes et surinamaises. Il semblerait que ces opérations portent quelque peu leur fruit, et le président de la République Nicolas Sarkozy a dans ce sens confirmé que l'opération Harpie deviendrait permanente sur le territoire de la Guyane, alors que les négociations avec le Brésil pour une meilleure coopération sont en cours. Le débat souligne également l'opacité du circuit de l'or en Suisse, l'existence évidente de financeurs, réels mafieux tirant leur épingle du lot en exploitant la majorité de ces garimperos ouvriers à la simple recherche d'un avenir plus doré. Un milieu assez pourri, comme le synthétise cette dernière réalité: la Guyane exporte plus d'or qu'elle n'en produit !
Suriname - Week-end à Paramaribo
Le Surinam(e). Pays d'Amérique latine. Certes. Ancienne Guyane hollandaise. OK. Mais après? Qu'en est il de ce pays généralement peu connu, peu touristique et souvent mal estimé? Un pays dont l'évocation génère des images floues pour beaucoup de français de métropole. C'était mon cas, avant mon arrivée en Guyane. Une envie bien normale en a découlé: allons y faire un tour! C'est donc le cœur joyeux de découvrir une première capitale sud-américaine que je m'en allais en ce mois de mai 09 avec quelques potes rencontrés grâce à ce beau projet nommé Couchsurfing. Première étape: l'obtention du visa pour le Suriname au consulat surinamais de Cayenne. Quelques difficultés pour accéder à cette petite structure mais visa délivré sous 48 heures: tout va bien. Deuxième étape: organiser le déplacement jusqu'à Paramaribo. Hé oui, il n'y a pas de pont sur le fleuve Maroni assurant la frontière entre les deux pays. La stratégie la plus commune? Après le passage en pirogue, prendre un taxi collectif à Albina, la petite commune frontière et foncer en direction de Paramaribo (Par'bo).
Les taxis collectifs surinamais. Une crainte. des pointes à plus de 150 km/h parait-il, sur une route de mauvaise qualité. D'où notre idée de préparer cela en avance en payant quelqu'un organisant notre trajet de Saint-Laurent à Par'bo. Une bonne idée, et un trajet finalement tranquille, sous un bon son de reggae. Ouf! Au total: environ 6 heures de route depuis Cayenne. 6 heures...puis le pont: ouvrage d'art construit au début des années 2000, il surplombe Par'bo et nous offre une première vue de la capitale. Le pont, puis la banlieue et ses odeurs d'air pollué. La banlieue, puis le centre-ville et enfin l'auberge.
L'auberge donc. Petit hôtel sympa prêt du centre, et nous voilà plongés dans le pays à travers quelques jolis peintures de personnalités surinamaise. Citons par exemple Anton de Kom, combattant résistant anti-colonialiste.
Balade en centre-ville. Une partie historique inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2002. Une architecture de qualité, alliant techniques de construction européennes et matériaux sud-américains, hormis quelques briques rouges arrivées en tant que lest des navires hollandais.
Un centre-ville animé, agréable et en fête en ce week-end synonyme de paye. Animations, concerts, rues bruyantes et pleines de vie, bars aux terrasses pleines à craquer: Paramaribo vit !
Monuments. Quelques monuments intéressants et quelques anecdotes qui méritent une petite photographie. Ainsi, Mosquée et Synagogue sont tout simplement voisines dans cette ville reconnue pour sa diversité ethnique! Étonnante photo probablement peu commune dans le monde ?
Marchés. Des marchés variés, à l'image des différentes communautés vivant au Suriname: créoles, hindous, javanais, noirs marrons, amérindiens, chinois principalement. 3 marchés furent visités: le marché principal du centre-ville, le marché javanais et le marché chinois. Trois marchés de taille différente mais très sympa et qui nous permirent de goûter à des plats divers.
Ainsi, découvrir Paramaribo, c'est découvrir son centre-ville splendide et authentique, ses marchés multiples, ses animations et son ambiance festive, mais aussi des bars où le jazz résonne dans les oreilles, ses casinos, ses shopping de fringues très colorés faisant le bonheur des voisins guyanais, ses grands hôtels pour touristes occidentaux et notamment hollandais, sa pollution, ses déchets. Découvrir Paramaribo, c'est découvrir une vraie capitale.
Un jour de marché à Paramaribo... (photo de mes cops Dave et Ophélie)
France/Guyane - Excursion sur le Maroni: retour à SLM
Levé à 6h30 pour redescendre le fleuve Maroni jusqu'à Saint-Laurent. C'est dans une atmosphère embrumée que je fais un dernier tour du kampoe où j'ai dormi. Une soirée étonnante durant laquelle j'aurai pu découvrir le ciel depuis l'Amazonie, un ciel d'une noirceur incomparable au ciel européen, et une chouette famille vivant ici.
Quelques minutes de préparation, un au-revoir chaleureux, et nous voilà repartis sur le fleuve, nous réveillant en même temps que la forêt embrumée...des images fortes, mes cinq sens sont réquisitionnés pour profiter de ce moments forts et de ce dépaysement complet...et ma tête...bien activée, comme mon appareil photo, pour mémoriser toutes ces images.
La descente continue, les heures passent, et différents endroits se prêtent admirablement bien à la photo: berges sauvages, jeux de lumière sur le fleuve, nids d'oiseau (de caciques en l'occurrence).
De belles images donc...puis après un retour à Apatou, un second d'arrêt sera là aussi très agréable et me permettra de rapporter un beau souvenir de ces trois jours: un copeau de bois ayant servi à la fabrication d'une pirogue. Le fond du bateau est constitué d'un seul et unique tronc, qui est vidé et brulé pour s'ouvrir davantage, ce qui permet d'y confectionner les parties latérales.
Arrivée à Saint-Laurent et photographie des épaves locales...
Ces trois jours m'auront permis de me rendre compte de la réalité de la vie sur les fleuves. le "les" inclut aussi le fleuve Oyapock qui fait office de frontière avec le Brésil, à l'est, et sur lequel se situent également quelques villages isolés. Le fleuve, une réalité différente du littoral. Une vie à laquelle la république française essaie d'appliquer sa devise "Liberté, Égalité, Fraternité"...mais cette mission soulève en chacun qui la vie une série de question de fond, sur la présence de l'État, sur le rôle que la république doit jouer et sur la multiculturalité. Ces deux personnes, d'une génération d'écart, sont ils libres sur le fleuve Maroni ?
Quelle définition faut il utiliser pour parler de cette notion fondamentale? Est-ce la liberté prônée par le modèle américain? Mardi, je dormais dans un petit hameau dépaysant du fleuve Maroni. Samedi après-midi, je regardais une fusée Ariane 5 décoller. Samedi soir, je rencontrais une femme péruvienne clandestine en boite de nuit. La mesure du temps pour une personne du fleuve est la journée...pour une personne du centre spatial, la mesure du temps est la seconde: en Guyane, plusieurs mondes se côtoient.
France/Guyane - Excursion sur le Maroni: Grand-Santi
Réveil à 7h00 après une nuit globalement peu reposante malgré le hamac de forêt haut de gamme que j'ai acheté. Le réveil est cependant très facile: le cadre de travail y contribue. Destination de la journée: la commune de Grand-Santi, prochaine commune du fleuve (voir localisation sur la carte dans le message précédent).
Trois heures après le départ, après avoir vu de nombreux campoe, en grande majorité sur le côté français, me voilà arrivé à Grand-Santi, commune de 3350 âmes approximativement. Il existe tout de même des équipements côté surinamais, par exemple cette école.
Le centre de la commune de Grand-Santi, le bourg, est assez semblable à celui d'Apatou quoi que peut-être plus propre. Quelques poules se baladent autour de certaines habitations, les oiseaux sont nombreux. De nouveau, le temps prend une toute autre valeur ici, comparée au littoral guyanais par exemple, ou encore plus, aux grandes villes européennes. Ici, tout est rythmé par le levé et la tombée du jour, ainsi que par l'arrivée et le départ des pirogues. Contrairement à Apatou, aucune piste de terre ne va à Grand-Santi.
Lors d'une discussion avec un directeur d'une école du village, certains chiffres me permettent de quantifier la poussée démographique guyanaise dans la commune, assez représentative de toutes les communes du fleuve. Dans cet exemple d'école, 4 classes d'enfants nés en 2003...soit une centaine d'enfants. Une autre école dans le bourg, soit 200 enfants. Des problèmes de non scolarisation et une école en voie de construction...au final, on s'approcherait de 300 enfants nés en 2003 dans la commune. Un autre chiffre m'interpelle: 24 nouvelles grossesses sont déclarés par mois à Grand Santi. 24 nouvelles grossesses ! Les besoins en termes d'équipements, notamment scolaires, sont énormes. Il me reste du temps entre la fin de ma mission et celle de mon collègue...j'en profite pour visiter le bourg. Je m'arrête manger à quelques pas de là, dans une petite piaule qui avec ces trois tables propose quelques repas, probablement de manière informelle. Je reprends mes notes et lors de mon départ, suis particulièrement surpris par le son fort d'un oiseau. A coup sûre, une sorte de perroquet, c'est bien connu dans mon village savoyard, les perruches et perroquets, ça à de la voix! En m'approchant de l' arbre, la curiosité s'estompe pour faire place à un sourire.
Un splendide Ara macao! A moitié domestiqué certes car appartenant à une voisine, mais tout de même en liberté dans le village. Oiseau grandiose, probablement un des plus beaux perroquets du monde et que je l'espère je verrais aussi à l'état entièrement sauvage lors de prochaines excursions. Puis vient 2 heures de pause et de découverte du bourg...
L'oiseau en cage ci-dessus est un Pikolèt. La possession de cet oiseau est une fierté, ici, en Guyane, et il n'est pas rare de voir un adolescent à bicyclette ou à vélomoteur tenant d'une main son guidon, de l'autre une cage avec l'oiseau; ou encore un adulte appuyé contre sa voiture discutant avec un groupe d'amis, et la cage posée sur le toit de la voiture; ou encore une cage avec l'oiseau, à l'entrée de magasins, comme ici. J'aurais l'occasion de vous reparler de cette tradition guyanaise, et de ses origines. Ballade dans le bourg, et observation des panneaux de signalisation.
Puis, départ en sens inverse et descente du fleuve en direction de Saint-Laurent. De nouveau, ces beaux paysages, ces grands espaces vierges et ce fleuve majestueux.
Arrive la fin de journée, et nous nous arrêtons alors acheter du poisson dans le même hameau que la veille...il est déjà tard. Nos piroguiers proposent de dormir ici...dans cet endroit très bien aménagé, très propre, avec une petite plage de sable blanc splendide et le fleuve. Je vais pouvoir passer une nuit avec cette famille, et échanger avec eux le temps d'une soirée.
Le début de soirée est consacré à un bon moment de détente: baignade et découverte de ces lieux et familles très accueillantes.
La vie de certaines personnes du fleuve se base sur la pêche, la chasse et l'agriculture sur abattis-brûlis. D'autres sont piroguiers et de vrais spécialistes de la remontée des fleuves guyanais, certains sont aussi partis vivre dans la ville du littoral, Saint-Laurent. C'est le cas du père de cette grande famille, qui a vécu plusieurs années à Saint-Laurent et, avec un peu d'argent en poche, est remonté construire sa maison sur le fleuve, loin de toute voie d'accès routière. Me voilà en Guyane, mais une autre, celle du fleuve, à des milliers de kilomètres de celle que j'ai connu jusqu'à présent. Après une petite baignade méritée, j'en profite pour m'écarter de quelques mètres à l'entrée de la forêt pour me changer...la nature me le rappelle vite: je ne suis pas chez moi. A deux mètres de moi, un serpent s'en va à vive allure. Environ 30 cm, d'un brun vert olive. Je ne le connais pas. Je sursaute, j'hésite, je m'arrête. Même si l'appareil est dans ma poche, je suis loin de tout, en sandale et short de bain: demi-tour immédiat, bien évidemment...J'en profite aussi pour photographier les systèmes de récupération de l'eau de pluie dans le village...le premier me laisse penser que leur dimensionnement est plus simple que lors de mes études ! Ici, la gestion de l'eau est facile dans tous les sens du terme: hormis l'eau de pluie, tout vient bien sur du fleuve et y repart. Cependant, une petite baraque du kampoue est tenue par un jeune qui y vent des boissons, telle que la Parbo, bière surinamaise.
2 systèmes de récupération de l'eau de pluie...
Vient alors le coucher de soleil, qui me permettra de tester mon appareil de boulot et faire de nouvelles prises de vue. Le coucher de soleil sur le fleuve Maroni est splendide, la couleur de l'eau métallique, le ciel étonnant, les bruits de la forêt qui commencent à entrer en résonance et à se multiplier...les moustiques aussi, je me protège complètement: ces lieux de vie en pleine nature sont des sites d'une forme potentiellement mortelle de paludisme...
La soirée avance tranquillement. Je goute à un repas entièrement guyanais et particulièrement bushinengé, avec au menu de la soupe bushinengé (composée de manioc notamment), en plat principal de l'atipa du fleuve, mais aussi un très beau kumaru d'au moins 30 cm (frère herbivore du piranha et poisson recherché pour sa chaire dans le haut-Maroni), un très bon gibier, l'agouti, avec des haricots rouges, du riz et du kwak, et en dessert des mangues. La suite de la soirée, je la passe assis à une table à écouter les habitants en sirotant un verre ou deux de Parbo, la bière des voisins. J'apprécie aussi ce moment par la contemplation du ciel amazonien, d'une noirceur incomparable avec le ciel français, environnements différents obligent...Ces moments sont forts, notamment car je sais que je n'aurais probablement jamais pu les vivre sans mon travail: la remontée du Maroni pour le tourisme coûte plusieurs centaines d'euros. Ce sont des moments authentiques ou la bonne humeur résonne avec un fond sonore de reggae.
France/Guyane - Excursion sur le Maroni: Apatou
"Bushinengé" ou "Noirs marrons"...noms surement peu connus en métropole. Petit cours d'histoire... A la fin du 17ième siècle, des esclaves noirs, employés au Surinam, l'ancienne Guyane hollandaise, profitèrent du désordre général pour se révolter et se réfugier dans la forêt. Cette fuite se nomme le marronnage. Elle a existé dans toutes les sociétés de plantations, mais ailleurs qu'au Surinam ces sociétés se sont fondues dans les sociétés créoles émergentes lors des abolitions de l'esclavage. Ainsi, les six groupes de Noirs marrons actuels sont les seuls à être demeurés intacts jusqu'à aujourd'hui. Le terme de Bushinengé signifie dans une de leur langue "hommes de la forêt"... En effet, les populations bushinengés actuelles vivent essentiellement dans des villages et campoe (une sorte de "hameau") le long du fleuve Maroni, des côtés surinamais et français, même si nombre d'entre eux ont gagné les villes du littoral, particulièrement Saint-Laurent du Maroni. Les Bushinengés, en particulier les Bonis, sont aussi les spécialistes des pirogues, qui permettent à toute personne de rejoindre les habitations seulement atteignables par le fleuve...et c'est donc en pirogue que dans un cadre professionnel, je réalise une première excursion sur le fleuve Maroni, le fleuve roi de la Guyane, frontière naturelle entre la Guyane et le Surinam. J'aurai le temps de visiter, durant les moments creux de ma mission, plusieurs petits villages.
Nous montons dans la pirogue, le moteur gronde et la magie opère. Une sensation d'aventure se dégage à travers ce moment de terrain particulièrement fort. Sur la photo de gauche, une île qui abritait dans le temps des bagnards malades de la lèpre.
Les paysages défilent...des oiseaux volent autour et sur le fleuve, parfois prêt de nous. A chaque approche de rive, je traque la moindre trace animale. Ils sont trop bien cachés pour moi et je n'en verrai pas. Puis, petit à petit, le nombre d'habitations et de campoe augmentent de part et d'autre du fleuve...et après un peu plus de deux heures, nous arrivons à Maïman, sur la commune d'Apatou.
Premier arrêt, forte sensation de dépaysement. Je m'approche des sites que je dois visiter et profite de chaque moment que m'offrent mes yeux pour apprécier ce paysage tellement différent de tout ce que j'ai pu voir auparavant.
Nous reprenons le chemin, ou plutôt le fleuve, voyons du monde sur les rives, comme ce petit groupe de jeunes nettoyant des chaises bleues, blanches et rouges. Dans le même temps, nous croisons d'autres pirogues, certaines redescendent de plus haut, des communes amérindiennes notamment, mais aussi du bourg (centre) d'Apatou, première commune ou nous nous arrêtons plus longuement. Voilà une carte la situant bien, sur le Maroni, à l'Est.
Nous voilà donc dans le centre de la première commune du fleuve Maroni. Dépaysement important. Des personnes nettoient leur matériel dans le fleuve. Le fleuve fait partie de leur identité, bien plus que les deux pays qu'elles côtoient. Ces personnes vivent avec et par le Maroni. Leur fleuve est leur vie, comme la montagne l'est pour certains savoyards.
Suite des visites programmées...Je réalise davantage les difficultés de la vie de tout les jours pour un enseignant fraichement débarqué: logements, forme potentiellement mortelle du paludisme, accès aux services de santé, seulement après plusieurs heures de pirogue. Dans le domaine de l'Education Nationale, le personnel manque sur le fleuve.
Alors que je discute avec une personne d'une école, une drôle de patte sort de la petite cage que j'avais remarqué dans un coin de la pièce...j'imaginais qu'il y avait je ne sais quel petit animal de compagnie. mais un splendide jeune paresseux en sort ! je m'en approche et le regarde monter méticuleusement l'étagère, à scruter toute prise possible. je lui caresse la bouille, je me permets, il me regarde et sa petite bouille est vraiment craquante. Ces animaux sont superbes très attachants. Celui là va peut être finir par appartenir à quelqu'un, malheureusement.
Je réalise les tâches qui m'ont emmené ici, puis profite d'un moment de pause pour le balader dans le bourg. C'est aussi le cas de nombreux mômes de la commune, qui rentrent chez eux.
Visites de sites terminée à Apatou. La remontée du fleuve continue...nous nous arrêtons acheter de la nourriture à un campoe, un endroit magnifique où je dormirai le lendemain. Nous nous approchons alors d'Apagui, une école sur une petite butte, là aussi splendide. Un beau cadre pour les élèves.
C'est ici que nous décidons de dormir. Nous posons le hamac, et j'en profite alors pour prendre quelques photos du coucher du jour. Je suis heureux de pouvoir prendre ces photos, ce coucher de soleil dans le cœur de l'Amazonie française.
Arrive alors l'heure du repas. J'ai dans mon sac deux oranges et deux boites de sardines..mais les piroguiers ont acheté leur repas et nous en proposent. De quoi s'agit il ? d'un poisson du même ordre (mais, après vérification, pas de la même famille) qu'un célèbre poisson des aquariums d'eau douce tropicale que l'on rencontre en métropole. Un poisson très recherché en Guyane par les personnes créoles, noirs marrons et amérindiennes. Ainsi, pour résumé, j'ai le choix entre manger des sardines en boite, ou les frères guyanais du...pléco! Le poisson le plus prisé est l'atipa du fleuve, avec une réelle carapace, à la couleur uniforme sur la photo.
Le repas est très typique. Je déguste l'atipa avec du kwak, un des aliments de base de la cuisine de Guyane, fait à partir de la racine de manioc. Malgré un peu de réticences, j'enlève sa carapace préhistorique et déguste sa chaire, delicieuse. Belle soirée au coeur de l'Amazonie, à discuter avec les piroguiers sous un fond sonore de reggae jamaicain. Des images de coucher de soleil, en forêt amazonienne, une nuit en hamac, des nouvelles découvertes culinaires et des échanges enrichissants: un des moments forts de mes trois premiers mois en Guyane.
Bonnes fêtes à tous. J'espère qu'elles se dérouleront dans la paix et le bonheur.