Cacao, un village étonnant de par son histoire, son environnement, et des personnes accueillantes. La route menant à cette petite bourgade de l'est guyanais s'avère, sur les 13 derniers kilomètres, être une piste plus ou moins abimée. La forêt est là, entourant l'ensemble de la route, les sentinelles (oiseaux) informent ses habitants de notre présence, et la magie opère, quand ce château, directement inspiré de l'univers de Tolkien, apparait, envahi petit à petit par une végétation aussi belle qu'imposante.
Le panorama est par moment saisissant, laissant une vue sur la forêt guyanaise splendide.
Qui sont les habitants de Cacao? Des personnes qui se sont remarquablement bien débrouillées lors de leur arrivée à partir de 1977, du Laos. Cacao est un village Hmong.
Une journée à Cacao: éléments d'histoire. Issus de la région tibétaine, le peuple Hmong s'est, en 2000 ans, installés dans différents pays d'Asie. 2 millions en Chine, 800 000 au Vietnam, 300 000 au Laos: ainsi étaient réparti le gros de la population Hmong avant 1975. Ils vivaient toujours dans les hauts-plateaux. Peuple de montagnards à l'origine donc, mais par la suite également pour des raisons de survie: pourchassés de tous temps en raison de leur différence culturelle par les autochtones de tous les pays ou ils ont cherché à s'installer, ils se sont toujours réfugiés sur les crêtes. Alliés des français pendant la guerre d'Indochine, puis des Américains pendant la guerre du Vietnam, ils furent après le départ des américains et l'arrivée du Pathet Lao (parti communiste qui a pris le contrôle du Laos en 1975) prirent pour cible par le pouvoir en place. La plupart demandèrent à partir aux USA, mais mille se virent proposer une installation en Guyane, pour fonder un village à vocation agricole. Ils furent ainsi installés à Cacao, dans la commune de Roura, ainsi qu'à Javouhey, dans la commune de Mana. Cacao n'était alors qu'un ancien village du bagne, abandonné. Au prix de nombreux efforts, les Hmongs ont commencé à défriché, construire ce village et mettre en place de petites exploitations agricoles. Aujourd'hui, ils sont les plus importants producteurs de fruits et de légumes du département, comme on le peut le voir au marché de Cayenne.
Une journée à Cacao - acte 1: l'arrivée au village. Une heure de voiture environ, puis une piste menant à de somptueux panoramas sur la forêt guyanaise, comme ci-dessus. Des sentinelles (oiseaux) dans les arbres: nous sommes repérés, la jungle le sait. Des bambous étonnamment grands, une piste parfois délicate, mieux vaut un 4*4, des cultures qui commencent à apparaitre. Et cet étonnant château. Le château "des choses dernières". Inspiré du seigneur des anneaux - oui oui, c'est vrai -, construit par un passionné de l'époque médiéval, il commence gentiment à se faire couvrir de plantes grimpantes aussi belles qu' imposantes. Puis, après ces péripéties maîtrisées par Hervé (copain du Rectorat), nous voilà arrivés au village.
Une journée à Cacao - acte 2: la découverte du marché. Le marché de Cacao. Chaque dimanche matin. Étant arrivés à 9h30, nous avons pu profiter de moments authentiques, durant lesquels quasiment seuls les locaux étaient présents. La plupart des clients arrivent vers les 11h00. Le marché: des fruits, des produits alimentaires faits par les hmongs et délicieux, et des objets d'artisanat, notamment de la broderie. Splendides éléments. Un art maîtrisé. Visite du marché, puis dégustation d'une soupe hmong. Délicieuse, mais attention à ne pas mettre trop de piment...j'ai fait l'expérience en en mettant beaucoup trop, tout mon visage l'a ressenti pendant 30 minutes. Des larmes trop irritantes pour ouvrir les yeux. Aie.
Une journée à Cacao - acte 3: visite du musée le planeur bleu." "le planeur bleu". Étonnant nom pour cette association présentant une collection de spécimens vivants de mygales et autres beautés, mais aussi de papillons morts, d'insectes endémiques de la Guyane, ainsi que de richesses archéologiques de la Guyane. On y apprend, lors d'une présentation par un passionné de ces bébêtes, qu'il n'y a aucun risque mortel par une piqure de mygale en Guyane, ou encore que la dangerosité d'un scorpion est inversement proportionnelle à la taille de ses pinces, et qu'il existe selon cette règle un scorpion potentiellement mortel en Guyane. On y découvre aussi des scolopendres, dont, selon mes souvenirs, les piqures ne seraient pas mortelles non plus, en ce qui concerne les spécimens guyanais.
Parmi les papillons, citons les Brassolidés, papillons diurnes mais qui volent à l'aube et au crépuscule, ce qui les fait ressembler à des nocturnes (photo de gauche). Citons aussi les Caligos, ou "papillons-chouettes" en référence à leurs deux formes oculaires au "verso" ressemblant à des yeux de chouettes et effrayant leurs prédateurs, les oiseaux (au centre). Pourquoi ne pas citer également les Baeolus, surprenant par leur différence entre le recto (bleu ou orange) et le verso (blanc). Les morphos, emblèmes de la Guyane, sont aussi présentés, ainsi que certains lycénides. Ce n'est bien sur qu'un petit éventail des nombreuses espèces de papillon d'Amazonie. La mouche cacahuète m'a quant à elle étonné!
Mais au fait, d'où vient cette étonnante biodiversité des zones intertropicales ? Comment s'est elle formé au cours de l'évolution? Écoutant RFI le soir, j'ai en tête cette réponse d'un éminent biologiste ayant beaucoup travaillé en Amazonie. Il y a perte graduelle de biodiversité des tropiques vers les pôles et cela serait à la différence entre les facteurs qui influent cette biodiversité. Sous les tropiques, l'absence de facteurs physiques tels que le froid permet à des facteurs biologiques d'agir tout au long de l'année sur la faune. Par facteur biologique, il faut comprendre que les relations entre espèces sont sources d'évolution, c'est à dire de co-évolution. Un exemple connu est celui de la relation entre le papillon Heliconius et la passiflore...la passiflore va au fil des générations développé de nouvelles techniques de protection contre ce papillon, (imitation des œufs, développement d'une toxine etc) et cette évolution va inciter le papillon à évoluer à son tour. Or, ces facteurs biologiques, au lieu d'agir durant 12 mois, ne peuvent se développer que pendant l'été en zone tempéré telle qu'en Europe...d'où cette théorie des biologiques de l'évolution sur les causes de l'existence de gradients de biodiversité avec la latitude.
Revenons à nos moutons scorpions en allant découvrir les espèces vivantes présentes dans ce musée. Celui-ci par exemple, ne vient pas de Guyane. Splendide, et relativement peu dangereux, à la vue de ses pinces.
Le passionné qui nous présente son musée vivant n'a pas fini de nous surprendre en nous proposant de prendre dans nos mains cette étonnante araignée cavernicole d'Amérique centrale, que vous pouvez voir dans son élément en jetant un coup d'œil à cet article ami. Les mygales ne sont pas les seules reines en leur pays ! D'ailleurs, cette araignée cavernicole est la seule que l'on peut prendre en main dans un musée français: elle n'a aucun venin, à la différence d'une pourtant inoffensive matoutou.
Voilà encore quelques espèces locales. Les phasmes sont particulièrement géniaux à observer dans la nature. Les mantes religieuses et autres sauterelles ne sont pas mal non plus!
Cependant, la Guyane n'est pas seulement connue pour sa nature, mais aussi pour son passé...les bagnards étaient envoyés ici, et certains objets permettent de ne pas l'oublier.
Une journée à Cacao - acte 4: la visite du village. Ce village étonnant. Lorsqu'on s'y balade, on n'ose imaginer le travail qui a été fourni pour en arriver là. Une balade très agréable. On s'y promène au milieu des ramboutans, arbres et fruits de la famille des litchis. C'est la saison, c'est bon et peu cher: de bonnes raisons pour en manger presque tous les jours! Et puis il y a cette église, ces maisons, cette station service...chaque rue offrant son brin de dépaysement.
Cacao, un dimanche de mars 2009. Une belle journée.