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Une Souris et des Hommes
10 avril 2010

France/Guyane - Excursion aux marais de Kaw

Les marais. Nom à connotation péjorative chez nombre de personnes. Dans l'imaginaire populaire européen, n'étaient-ils pas associé à la maladie, l'insalubrité, aux moustiques voire au banditisme? D'où un certain nombre de mesures pour les détruire sur le vieux continent, avant que leurs multiples valeurs soient enfin comprises. Mais revenons à nos marais de Kaw, qui forment une des six réserves naturelles crées par l'État en Guyane. Cette réserve est la troisième plus grande de France de par sa superficie (94700 hectares) après celle des terres australes et celle des Nouragues (Guyane), et la plus vaste zone humide de France. Elle a été crée le 13 mars 1998 par décret à cheval sur les communes de Roura et Regina et englobe le petit village de Kaw. Etant classée comme Zone Humide d'importance internationale (convention RAMSAR), elle est aussi connue pour son fort endémisme et sa biodiversité exceptionnelle.

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Emplacement des marais de Kaw (carte provenant du site web de la réserve)

Après avoir parcouru la longue route menant de Roura à Kaw, le genre de route dont on se demande si elle a une fin, nous voilà arrivant à 9h00 à l'embarcadère des marais de Kaw, où nous attendent un guide et un couple de métros bien sympas. Du 05 août à 9h00 au 6 août à la même heure. 24 heures pour visiter le petit village de Kaw, remonter le canal drainant la savane, photographier les zébus, oiseaux typiques, espérer voir un caïman, discuter avec les guides passionnés, puis s'endormir, écouter le bruit des marais et de la forêt...et se réveiller, au milieu de vagues d'humidité réveillant tous les habitants du marais...puis repartir.

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Embarquement dans la pirogue...

La visite de la maison du marais permet la présentation des différents écosystème présents. La montagne de Kaw est formée, sur un plateau du sommet, d'une végétation basse qui devient haute et dense sur les versants souvent abrupts. Forêt typique intacte, la montagne de Kaw regroupe un certain nombre d'espèces endémiques. Toutefois, les marais et savanes couvrent l'essentiel de la réserve. Au centre de la plaine de Kaw, le marais que nous allons remonter, puis autour, des savanes arbustives plus ou moins inondées selon la pluviométrie et la période de l'année. N'oublions pas également les forêts marécageuses, qui forment souvent d'étroits couloirs le long des cours d'eau guyanais. Dans un premier temps, c'est le petit village de Kaw que nous visitons.

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Puis voilà notre petite équipe débutant la remontée des marais, en découvrant la faune et la flore, tout en discutant des mesures de gestion et des liens entre l'homme et les marais, notamment à travers la pêche de l'Atipa. La remontée nous permet de découvrir nombre d'oiseaux typiques, tout comme cet élevage extensif de zébus. Un beau troupeau, un des rares troupeaux de bovins en Guyane.

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Ces zébus vivent dans les zones de savane, en cours de drainage naturel en ce début de saison sèche, et au milieu des moucou-moucous, plante invasive qui a la particularité d'avoir une fleur thermogène (produisant de la chaleur), comme toutes les aracées. Une plante agréable à l'oeil, mais dont l'impact sur l'écosystème de la plaine de Kaw est à évaluer. 

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La remontée se poursuit à travers un très beau paysage de savane et de forêt. Nombre d'espèces d'oiseaux sont observables: aigrettes, cormorans, nombreux passereaux, ou encore les hoazin huppés, oiseaux dont les juvéniles possèdent des griffes les aidant à s'accrocher, tels certains oiseaux préhistoriques (photo 1 et 2: caciques cul-jaune, photo 3: grandes aigrettes, photo 4: moucherole à tête blanche, photo 5: hoazin, photo 6 et 7: cormorans viguas)

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La remontée nous permet d'arriver au splendide carbet flottant et d'y déguster un ti-punch ainsi qu'un délicieux repas composé de plats guyanais. Installation dans le hamac, baignade, et sieste sont ensuite aux programmes de cette splendide journée.

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Une nuit en hamac s'attend à nous, mais avant, profitons de l'après-midi !

L'après-midi débute par la remontée de la crique Wapou, l'une des sources des marais, puis de profiter pleinement du carbet, en se baignant, en observant, en pédalant sur les vélos flottants à disposition.

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Coucher de soleil sur les Marais de Kaw

La nuit arrive et nous permet alors de vivre une très belle expérience: la découverte des caïmans. Les caïmans sont courants dans la réserve. Il en existe plusieurs espèces: le caïman à lunettes, le plus commun autour de la zone touristique, qui possède une aire de répartition large, du Mexique au nord de l'Argentine. On le retrouve en Guyane dans des milieux très variés, y compris dans les retenues des agglomérations du littoral, tels que les salines de Montjoly. Une autre espèce est le caïman noir, gravement menacé à cause de sa chasse intensive pour sa peau, et dont la présence dans les marais de Kaw est totalement protégée. C'est sur une pirogue que nous partons à la recherche de caïmans, autour du carbet duquel nous plongions dans la même journée :). La solution pour les attraper ? Les éblouir avec les lampes-torches, sans les laisser s'échapper de la lumière. Après quelques petites captures de petits spécimens, notre guide, arrêté au bord du canal, s'exclame d'un coup: "un caïman avec un anaconda dans la gueule". Dans ce moment mémorable, mon imagination débordante d'envie me laisse imaginer ça:

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"Un caïman avec un anaconda dans la gueule !"

La réalité est toute autre...un petit caïman à lunette ayant attrapé un petit serpent d'eau. Les arrêts sur les berges sont fréquents, et après avoir attrapé un petit spécimen, notre guide part pieds-nus sur la rives pour revenir avec un animal de taille respectable...qu'il nous laisse prendre ! Drôle de sensation, beau souvenir et peu voire pas de risques, l'animal restant immobile...mais attention tout de même à ne pas laisser traîner ses mains ! 

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Puis vint une nuit très agréable dans ces hamacs au coeur des marais, puis ce réveil inoubliable au milieu d'une brume mystérieuse, qui affirme cette sensation d'une Guyane envoutante et sauvage.

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Une atmosphère particulière qui me rappelle, 8 mois après cette excursion, l'émotion qu'elle a pu généré. La visite des marais de Kaw est une étape intéressante d'un séjour en Guyane, elle réserve de belles découvertes et une nuit en carbet très agréable. La savane étant inondée en saison des pluies, il est parait-il intéressant d'y retourner à cette période et d'avoir une autre vue sur ce biotope. Malheureusement, le point négatif de cette sortie est le prix d'une excursion. les 24 heures avec nuit en carbet flottant coûte tout simplement...150 euros/personne. Le coût d'une visite de la Guyane: un des facteurs limitant tant les habitants du département que le touriste amateur d'Amazonie.  

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4 avril 2010

France/Guyane - L'orpaillage illégal, vu par la presse guyanaise

L'orpaillage illégal en Guyane est particulièrement médiatisé pour la double pollution qu'il génère: matières en suspension et mercure. Il n'est pas rare également d'entendre parler, dans certains documentaires, de l'insécurité liée aux attaques de mines légales par des garimperos. L'opération Harpie 2 a eu lieu en 2009. "La semaine guyanaise" a écrit de nombreux articles. Extraits choisis.

N°1332, 4-10 juillet 2009. "C'est une guerre des nerfs, une guerre d'usure que vit Saint-Elie. D'un côté, les gendarmes, constamment présents, à 9 ou 10, selon la relève. De l'autre les travailleurs clandestins de l'or qui - apparemment - ont déserté le bourg. Parmi ces étrangers en situation irrégulière, certains vivaient sur Saint-Elie depuis plus de 10 ans et pas exclusivement des Brésiliens. Avec ces dernières années, comme unique activité économique, l'orpaillage clandestin, ses commerces, ses emplois et son marché noir. "A leur arrivée mi-avril, les gendarmes ont d'abord mené une campagne d'information en prévenant les gens", raconte Rose Alexander, ancienne adjointe au maire, ex-agent de santé au dispensaire fermé depuis janvier 2006. Elle revient régulièrement dans la commune dont elle est originaire et possède une maison. J'ai vu trois phases de reconduite ces dernières semaines. Une fois les gendarmes en ont pris 20, une fois 12, une fois 17. En fait, ce sont les brésiliens qui viennent se livrer", indique-t-elle. Ce qu'un gendarme confirme: la plupart viennent d'eux mêmes car ils ont faim. On ne court pas après. Dans le bourg, une poignée de Brésiliens (à priori moins d'une vingtaine) restée sur place, connaît la chanson: "Segunda feira, seixta feira!": "lundi et vendredi" sont les deux jours de reconduites à partir de Saint-Elie. On les ramène en camion sur Petit Saut puis en pirogue", explique un gendarme. "Je suis venu me rendre", nous a indiqué, dimanche 28 juin, un Brésilien qui cueillait des oranges en attendant le lendemain. Selon les informations recueillies sur place, bon nombre d'illégaux se sont spontanément livrés pour repartir gratuitement au Brésil. (...)

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Lac artificiel de Petit Saut. Nombre de sites d'orpaillage sont en amont.

Echange entre Frédéric Farine, journaliste, et une femme garimpero. "En forêt, nous avons tous le palu, à tour de rôle. J'ai eu encore une crise, il y a huit jours. Il ne nous reste qu'une tablette d'Artecom au camp. A la prochaine crise de l'un d'entre nous, plus de tablette." explique t'elle un brin fataliste. J'interroge Latidinia sur cette propension des ressortissants brésiliens à choisir l'aventure en Guyane. "Il faut comprendre les difficultés des classes défavorisées au Brésil. Qu'est-ce qu'il est possible de faire au Brésil pour des hommes qui ne savent ni lire ni écrire? De la maçonnerie, des charpentes: des travaux très mal payés là-bas. C'est une amie d'Altamira, ma ville d'origine au Para, qui m'a parlé de la Guyane en 2004" raconte encore Latidinia. "Elle venait d'en être expulsée après y avoir passé 2 ou 3 ans. Elle y vendait des vêtements, de la nourriture pour les sites d'orpaillage. Cela a bien marché pour elle en Guyane".

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Lac de Petit Saut - Forêt noyée lors de la mise en eau du barrage

N° 1337 du 8 au 14 août 2009. Entretien entre ce même journaliste et un orpailleur du village clandestin de Zohia (région de Saul), secteur illustré sous le nom de "guérilla". "La plupart des gendarmes sont très bien entraînés, très bien éduqués. Mais pour une minorité d'entre eux, ce n'est pas le cas. Enfin, c'est sûr, ils ne sont pas violents, ils n'ont jamais tués personne sur un site" reprend Janilton qui explique travailler dans le secteur de Guérilla "depuis 2006". Pour lui, Guérilla n'existe plus. Alors qu'un an en arrière "en comptant l'ensemble des sites de ce secteur, on pouvait produire 12 à 15 kilos d'or en une journée! C'est fini maintenant. Et tout est cher ici.(...) Sur le problème de la violence entre garimperos sur Guérilla, Janilton dément: "il n'y a pas de violence, pas de meurtres à Guérilla, les villes de Guyane sont plus violentes que les sites d'orpaillage." Une affirmation contredite par l'instruction judiciaire en cours sur les crimes de Guérilla. "On a retrouvé 6 à 7 cadavres, dont certains abattus de balles dans le dos en 2007 et 2008" souligne une source judiciaire. Tout au plus, Janilton admet-il "des accidents, nombreux, dans les galeries qui s'effondrent". La galerie la plus profonde creusée à Guérilla ? "32 mètres", indique t'il.  On apprend sur place comment les faire, puis on creuse à la pelle et à la pioche...Au Brésil, j'étais "motoboy" je faisais des courses en scooter pour une boutique à Manaus avant de venir en Guyane. Mais je refuse que mes frères viennent, c'est trop dur" poursuit-il. Sur la question écologique, Janilton a une parade: "Si on nous laissait faire, à notre départ, il n'y aurait ni trace de notre passage, ni de notre corotel (village d'orpailleurs)."(...) Sa présence en Guyane ? Il l'explique par le manque de perspective chez lui: "Au Brésil, il y a des terres avec de l'or mais le gouvernement n'autorise pas les garimperos à l'exploiter. J'ai étudié mais je n'ai pas eu l'opportunité d'avoir un bon travail dans mon pays" regrette-t-il.

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Village sur le rivage brésilien de l'Oyapock. Un corotel ?

28 mars 2010

France/Guyane - C'est rare, non, la nostalgie ?

Parlons un peu de quelques groupes de personnes présentes en Guyane, à travers quelques anecdotes, réflexions et moments vécus. J'enrichis ces textes par quelques photos sans rapport.

>> Une pépite d'or pour la perle des Antilles

La Guyane possède tant par l'histoire que par l'actualité, certains liens forts avec Haïti, la "perle des Antilles" mais aussi un des pays les plus durement touchés par les catastrophes naturelles, dans un contexte de grandes difficultés pour sa population de satisfaire ses besoins de base. Malheureusement, notre Guyane n'est pas différente de tous les autres territoires, départements ou pays du monde, et j'ai compris à travers des discussions et la lecture des journaux guyanais qu'il existe au sein d'une partie de sa population une certaine méfiance voire une discrimination envers les Haïtiens. C'est toujours la même chose, quelque soit le territoire que j'ai côtoyé (la Suisse avec les Kosovars, l'Irlande avec les polonais): dès que dans un territoire donné une population étrangère ou d'origine étrangère est un peu trop nombreuse et un peu trop pauvre, elle est un peu trop mal vue et discriminée. J'ai vraiment le sentiment que c'est une réalité universelle. Aussi, dans le contexte d'explosion démographique que connaît la Guyane et avec toutes les difficultés et la peur que cela engendre, la politique d'immigration voulue par une partie de la population se devine facilement à travers les titres réguliers de l'hebdomadaire "la semaine guyanaise", avec l'exemple du N°1336 (août 2009): "Immigration: des chiffres et des affaires...Plus de 50 000 étrangers "non expulsables" en Guyane...Harpie fait chuter le nombre de reconduites!" Il est légitime que l'immigration fasse peur aux habitants de Guyane. Mais une autre chose est sûre, certains renvois sont terriblement injustes. Je vous laisse découvrir le blog lié dans la colonne de droite pour avoir un exemple frappant de ce qui peut se produire.

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Partie de football à Suzini, Cayenne

>> Le Monde doit respecter le Brésil

Phrase interpellante, et d'autant plus frappante qu'elle était le slogan du gouvernement fédéral lors d'une publicité coupant la comédie romantique hollywoodienne "Shall We Dance ?", dans laquelle l'homme d'affaire Richard Gere, riche, élégant, blanc, décidait de se mettre à danser...la question existentielle du film étant: "va t'il quitter sa femme pour sa prof de danse?" Drôle de moment, difficile confrontation entre la réalité d'Oiapoque et celle d'Hollywood. Oiapoque, nouvel an 08-09, une ville d'orpailleurs, une ville aux infrastructures pires que celles des favelas de Rio (d'après une copine de la ville des J.O), une ville aux nombreuses princesas sirotant une caïpirinha, se disant peut-être qu'elle voudraient être cette prof de danse quand certains Français se disaient peut-être vouloir devenir Richard Gere, au même moment, en Europe. Hollywood, symbole de la culture de masse occidentale, reflet du rêve américain et de tout ce qu'il peut générer, de l'espoir à la souffrance, de la souffrance au sourire, du sourire à l'espoir. Ces princesas, certaines s'en vont traverser la frontière pour espérer trouver leur Richard Gere guyanais ou métropolitain, et du moins pour essayer d'obtenir un avenir un peu plus doré. Ces personnes brésiliennes, c'est une chance que j'ai eu de les côtoyer, notamment le dernier mois à Kourou, et je retiendrai cette triste comparaison d'une copine du moment connaissant l'Hexagone et la Guyane: "Ici, les hommes sont bien moins respectueux de nous, les Brésiliennes, qu'en France." Drôle de couples, entre le chercheur européen venu participer aux projets de la base spatial, ou entre le légionnaire parfois aussi, et la femme brésilienne. C'est une des réalités de la ville spatiale de Kourou.

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Partie de football sous la pluie de Cayenne

>> C'est rare, non, la nostalgie ?

Ma dernière envie est d'écrire un petit mot pour ces princesses dominicaines, rencontrées au fil de l'année dans les rues de Cayenne, dont certaines ont une histoire proche de celle de Zulema, racontée dans "Princesas", film espagnol splendide, réalisé par Fernando Léon de Aranoa en 2005. Extrait choisi. 

 "Il y a un jour, tu verras, un jour où c'est le pied. Ce jour-là, tout se passe bien.Tu vois ceux que tu veux voir, tu manges ton plat préféré. Et tout ce qu'il t'arrive, c'est ce que tu veux qu'il t'arrive. Si tu allumes la radio, il y a ta chanson préférée. Et si tu vas à un jeu télévisé ce jour-là, tu remportes tout(...) Ecoute bien ce que je te dis: tout (...) Ce jour n'arrive qu'une fois, mais quand ? On doit être vigilante, il faudrait surtout pas le rater. C'est comme une déviation. Comme quand sur la route il y a une déviation. Mais tu es peut-être au téléphone, ou tu discutes ou tu as la tête ailleurs et tu t'en rends pas compte, et t'es baisée, parce que tu ne peux pas revenir en arrière. Ce jour là, c'est la même chose, une déviation. C'est très important, car tu peux décider du cours que les choses emprunteront ou pas: Le chemin nouveau ou pas."

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Arc-en-ciel, la vie est belle !

21 mars 2010

France/Guyane - Dirty Paradise, pour introduire l'orpaillage

Dirty Paradise, de Daniel Schweizer, cinéaste genevois, est un documentaire de haute qualité cinématographique, parlant de l'orpaillage clandestin et ses conséquences sur la vie des amérindiens wayana dans le haut-Maroni. Ce film a été diffusé dans le cadre du festival du film et forum international sur les droits humains, et c'est avec un peu de plaisir mais aussi un peu de peine que je le découvrais en ce triste dimanche grisâtre de mars. Un peu de plaisir, car la qualité cinématographique de ce documentaire est indéniable. Des images splendides, des entretiens de qualité et un traitement du sujet plutôt complet. Et de la peine car la lutte contre ce fléau environnemental et sanitaire pourrait avoir des conséquences irréversibles pour les villages concernés, et pour l'environnement autrement préservé du territoire guyanais. Je suis revenu de Cayenne il y a maintenant quelques mois. Quelque soit l'endroit et le poste concerné, un contrat d'un an est court, très court, mais comme il me reste près de 40 ans à cotiser, des opportunités pour retravailler dans ce beau département habitées par de chouettes personnes, il y en aura probablement d'autres !  

Allez, je retranscris avec une précision approximative les grandes lignes du débat qui a suivi ce film et qui s'est déroulé en présence du réalisateur, de Michel, un amérindien wayana venu à Genève pour témoigner avec quelques autres compères, et de deux ou trois autres professionnels ayant consacré leur vie professionnelle au travail avec les petites communautés minoritaires au sein de nombreux pays en Europe, en Amérique du Sud ou ailleurs. Ce débat, d'environ 45 minutes, m'a semblé assez juste tant par les avis de Michel sur la situation des siens que par les réflexions sur les problèmes dans la vie de tous les jours des amérindiens du Haut-Maroni. J'en profite pour glisser quelques photos de cette région de Guyane, prises par mes collègues de l'époque. 

Lutter contre l'orpaillage: quelles solutions ? C'est la première question sur laquelle le débat a porté. Pour Michel, la lutte est quasiment impossible compte-tenu du statut international des eaux du Maroni, de la passoire totale que constituent les frontières de la Guyane, du nombre important de chercheurs d'or (peut-être 10 000 garimperos), de la sporadicité des opérations de l'armée (Anaconda, Harpie etc).

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Vue de Maripasoula (photo prise par mes anciens collègues)

Face à ces difficultés géographiques, tout le monde s'accorde à dire que la France ne pourra probablement pas s'en sortir seule pour supprimer ce fléau irréversible. Alors, quelles solutions ? la coopération, et pas qu'un peu. Cet argument, je l'avais déjà entendu régulièrement lors de ma présence en terre guyanaise. Une coopération renforcée entre les autorités françaises, brésiliennes et surinamaises. Il semblerait que ces opérations portent quelque peu leur fruit, et le président de la République Nicolas Sarkozy a dans ce sens confirmé que l'opération Harpie deviendrait permanente sur le territoire de la Guyane, alors que les négociations avec le Brésil pour une meilleure coopération sont en cours. Le débat souligne également l'opacité du circuit de l'or en Suisse, l'existence évidente de financeurs, réels mafieux tirant leur épingle du lot en exploitant la majorité de ces garimperos ouvriers à la simple recherche d'un avenir plus doré. Un milieu assez pourri, comme le synthétise cette dernière réalité: la Guyane exporte plus d'or qu'elle n'en produit ! 

13 février 2010

France/Guyane - Les îles du Salut: enfer, Club Med et paradis tropical

Le courant des Guyanes transporte jusqu'à 20% de la charge sédimentaire de l'Amazone et entraîne la formation des bancs de vase qui donnent naissance à la couleur chocolat des eaux du littoral guyanais. Mais à quelques kilomètres de ces littoraux marrons surgissent trois petites îles déchargées de sédiments mais chargées d'histoire. Aujourd'hui sources de sorties dominicales, les îles du Salut furent aussi un lieu de rétention, de souffrance et de mort durant plusieurs décennies, en accueillant une partie des bagnards envoyées en Guyane. D'où la qualification d'Albert Londres à propos de ces îles: l'enfer dans le paradis. Toutefois, en 2009, les îles du Salut offre à l'habitant de Guyane une solution intéressante de dépaysement et de détente, tout en alliant promenade culturelle (visite guidée du bagne) et naturelle (balade possible sur deux îles sur trois). Après un transfert d'environ 1 heure par catamaran, durant lequel il est parfois possible d'observer dauphins et tortues, l'arrivée sur l'île royale se fait en douceur et laisse présager du dépaysement que peut procurer la plus grande des trois îles.

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Les îles sont propriétés et donc entretenues par le CNES, le Centre National d'Etudes Spatiales, depuis 1971. Les bâtiments du bagne de l'île royale ont été réhabilités en partie et permettent aux pensionnaires quotidiens de visiter ces lieux à l'histoire terrible. Guidés par un historien amateur passionné, c'est ainsi que nous débutons cette journée du 2 août 2009, après une première série de photos animalières et paysagères. Les deux splendides aras sont apprivoisés, tout comme l'était ce beau toucan échappé d'une cage et qui ne peut voler jusqu'au continent. Un réel plaisir que de le voir boire en compagnie d'iguanes, dans une marre à caïmans.

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La visite du bagne de Guyane offre une opportunité passionnante de mieux comprendre cette terrible sentence. En plus du guide passionné, c'est surtout la revue Géo n°93 de novembre 1986 qui explique bien cette période terrible, à travers l'histoire de l'un des bagnards, nommé Dubuz, relaté par un journaliste de l'époque. "En fait, l'histoire de Dubuz était banale. Fin de la première guerre mondiale. Un jeune libéré rentre dans son petit village de Normandie. Bientôt, il s'imagine dans les bras de sa femme, la couvrant de baisers. Mais un autre est là. A ce moment du récit, le vieil homme avait plié les doigts en forme de revolver: "j'ai tiré! L'homme est tombé tout de suite, mort, complètement mort." Vrai crime passionnel, ou, comme souvent chez les anciens bagnards, biographie inventée de toute pièce pour donner une cause plus noble à sa condamnation. Peu importe. Dubuz s'est retrouvé en Guyane, dans l'enfer du bagne, un cliché littéraire auquel je ne peux échapper qu'en ayant recours à l'argot coloré des forçats: Dubuz s'est vu condamné à la guillotine sèche, numéro parmi les numéros. Dubuz et son tricycle demeurent une photographie à jamais gravée dans mon cerveau. Lui et la poignée de "vieux blancs" qui s'éteignent l'un après l'autre dans les hôpitaux de Cayenne, aujourd'hui préfecture de la Guyane française, ou de Saint-Laurent-du-Maroni, sont les éclopées en loque d'une armées vaincue. Le savent-ils eux mêmes ? En venant en Guyane, ils arrivaient pour purger leur peine, se mettre en règle avec la société et, si possible, avec leur conscience. Mais ils étaient aussi les soldats d'une troupe qui avait reçu mission de transformer la Guyane en eldorado."..."Au total, entre 1852 et 1938, soixante-dix mille hommes furent convoyés en Guyane. Comme toutes les troupes en campagne, cette armée eut ses morts. Une véritable hécatombe: plus de la moitié des effectifs !" Ma tête et internet complètent cette brève synthèse: Alfred Dreyfus (1894), Guillaume Seznec (1923) furent les prisonniers les plus célèbres du bagne. Francis Lagrange, bagnard artiste, peint une série de toiles sur ce terrible monde. L'abolition du bagne de Guyane fut proclamée en 1938 mais réellement mise en oeuvre en 1947. 1947 ? Dans le contexte de la découverte de camps de concentration nazis, il devint délicat de tolérer l'existence de ce camp équatorial dont le taux de mortalité était du même ordre de grandeur.  

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Hôpital du bagne des îles du Salut

Un changement n'arrivant jamais seul, la fin du bagne en 1938 correspondît à la création des congés payés en France, et par effet domino, le développement du tourisme de masse. Après le départ des gardiens du bagne et de tout ce qu'il générait, violence, maladies et mort, le tourisme s'est petit à petit développé sur les îles du Salut ! Et d'autres gardiens ont été embauchés, pour s'occuper de ces venues dominicales ! D'où ce doux surnom donné aux postes de gendarmerie des îles du Salut, comparé à la réalité de la Guyane continentale et à celle du bagne: le club-med de la gendarmerie en Guyane !  

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C'est bel et bien dans un endroit paradisiaque que les hommes débarquent en 2009. Laissons le passé au passé, et promenons-nous un peu sur l'île royale, la plus grande et la plus fréquentée des trois îles. Une balade aux alentours de l'auberge débute par l'observation des agoutis, ces rongeurs comestibles, du toucan ainsi que de l'île du diable, sur laquelle à séjourné Dreyfus.

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Vue de l'île du Diable depuis l'île royale

Puis, après ce petit tour autour de l'auberge, c'est le tour de l'île que nous faisons maintenant. un tour par des petits chemins de terre bordés de cocotiers, à côté d'une eau bleu-verte à 29°C. Des sentiers très photogéniques, une petite baignade agréable, et un bel après-midi au fil de l'eau.

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Cette promenade est très sympa. Le microclimat, légèrement plus sec, devient plus agréable que sur le continent, pourtant à quelques kilomètres. La possibilité de plonger dans cette eau chaude est verte offre est aussi un petit plaisir. Mais voilà, pour avoir pris un aller-retour sur une journée, il nous est impossible de rester plus longtemps, et notamment de visiter l'île Saint-Joseph, sur laquelle les vestiges du bagne n'ont pas été réhabilités. Aussi, c'est en redescendant tranquillement vers le port que je tombe nez-à-nez avec une bande de sapajous. Habitués à l'homme, ils sont preneurs de toute friandise que le promeneur peut laisser. Ces îles sont une étape incontournable de la Guyane touristique. Plus accessibles sur le plan financier que d'autres sites naturels du département, elles assurent un dépaysement garanti à toute personne, de Guyane ou d'ailleurs. A visiter, sans oublier le hamac, bien sur !

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Sapajous, une des espèces de singe présente sur l'île

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28 janvier 2010

France/Guyane - In tropical tartiflette I don't trust

"La France est un des derniers pays européens qui ait le privilège d'héberger en son sein des identités territoriales et culturelles fortes. C'est le cas dans l'Hexagone avec la Corse, l'Alsace, le Pays basque...Outre-mer, ces identités sont encore plus marquées, étant le produit de cette histoire d'une rare violence mais aussi d'une époustouflante fraternité, d'une grande complexité au regard de leurs trajectoires sociologiques." Cette phrase, que je tire de l'interview de Christiane Taubira, député guyanaise, retranscrite dans l'excellent hors-série du Monde sur la France d'outre-mer, conforte les approches culinaires que j'ai pratiqué pour mettre en valeur mon identité savoyarde. Aussi, deux grands idéaux se cachent derrière cette valorisation culturelle: 

-L'espoir qu'un jour je cuisinerai des tartiflettes à des personnes sud-américaines.

-L'espoir qu'un jour, le monde sera plus égalitaire et permettra à davantage de sud-américains de venir manger des tartiflettes en Haute-Savoie.

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"In tropical tartiflette I don't trust"

La question de fond de cet article n'est en fait pas de savoir si mes tartiflettes étaient bonnes ou avec qui je les ai mangé, mais plutôt de comprendre dans quel cadre ces produits de Haute-Savoie se retrouvent dans les surfaces commerciales de la Guyane, ou encore comment une certaine politique économique a des conséquences sur le pouvoir d'achat des habitants des DOM-ROM. Hé oui man, comment un reblochon du 74 peut il se retrouver dans le 973 ? Comment le dieu du fromage peut il accepter de proposer une telle variété de fromages dans les supermarchés de Guyane, tous produits en métropole ? Pourquoi vendre des reblochons à 33 euros/kg alors que la production locale mériterait d'être développée ? Pourquoi cela, alors que les transports générés sont coûteux et polluants ?

Jamais, non jamais je ne m'étais posé autant de questions pour un reblochon.

Christiane Taubira l'indique dans cette même interview: "les prix et le pouvoir d'achat sont des révélateurs. La vie est chère en outre-mer, parce que le système est organisé selon des mécanismes inflationnistes: la surrémunération des fonctionnaires (prime de 40%), le maintien de l'économie d'importation, les lois de défiscalisation." Cette mondialisation appliquée à France ultramarine aboutit à des réalités ahurissantes: dans les Antilles françaises, la grande distribution fait venir des produits d'Europe ou d'ailleurs et les vend deux fois moins cher que ceux produits localement. La canne et la banane, économies subventionnées, servent à nourrir la métropole avant la Guadeloupe. Le sucre est raffiné sur le continent, avant d'être revendu dans l'île. L'eau en bouteille, comme la Didier (Martinique), reviennent plus cher que les eaux qui prennent leurs sources dans les volcans d'Auvergne ou en Savoie.

Nombre de produits sont aussi échangés avec les Antilles françaises. Toutefois, ce livre souligne le contexte géopolitique particulier de la Guyane, avec d'une part une contestation de la dépendance à l'égard des Antilles, et d'autre part la volonté d'ancrage sud-américain. Ainsi, le livre, écrit il y a une dizaine d'année, souligne (à juste titre ?) qu' "il n'y a pas chez les responsables guyanais de volonté de renforcer les liens avec les Antilles qui sont perçus comme se faisant au détriment de la Guyane, en relation avec le fait que la société guyanaise dans son ensemble montre un refus de toute dépendance à l'égard des Antilles. Ce sentiment s'est renforcé et s'est trouvé conforté par la réalité elle-même, le meilleur exemple étant constitué par les évènements d'octobre-novembre 1996 qui ont abouti à la création du rectorat de la Guyane, mesure qui s'est avérée indispensable autant sur le plan du symbole politique que de l'efficacité administrative. Ce sentiment ne vaut d'ailleurs plus seulement pour les structures administratives mais aussi pour les relations économiques et les critiques ne manquent pas vis-à-vis de l'institution du marché antillo-guyanais. Il n'y a, pour autant, de façon générale, aucune acrimonie ou difficulté d'intégration des Martiniquais ou des Guadeloupéens installés en Guyane mais simplement la volonté de voir la Guyane reconnue pour elle-même et non comme un appendice administratif ou économique des Antilles." 

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L'intégration au continent sud-américain parait nécessaire au département comme le cite le même livre: "l'appartenance géographique de la Guyane, fait que son horizon sud-américain, ses contacts immédiats avec les réalités du monde amazonien et les pays du plateau des Guyanes sont des facteurs essentiels d'intégration et de progrès de ce département. Etant en prise directe avec le Tiers-Monde (je recopie) la Guyane ne pourra pas se développer en dehors de son environnement proche et seule une politique active de coopération régionale constituera une condition de stabilité et par conséquent d'essor de l'économie guyanaise."

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Toutefois, dix ans après cet mots, la viande du Brésil passe toujours par la métropole avant de repartir en Guyane...Acheter les produits locaux: un raisonnement économique, social et environnemental de plus en plus mis en valeur en métropole, mais aussi dans les DOM. C'est mieux ainsi, même si je n'ai pas montré l'exemple, en l'occurrence.

10 janvier 2010

France/Guyane - Back to Cacao !

Un dimanche ensoleillé du mois d'août et en compagnie familiale est une très bonne raison de passer une nouvelle journée dans le petit village rural de Cacao, que je vous avais présenté dans un article précédent. La route n'a pas changé, mais un grand évènement va faire en sorte qu'elle change. Le plan de relance de notre gouvernement de l'économie française mis en place par notre gouvernement. Hé oui, la réhabilitation de la route de Cacao, particulièrement en mauvais état, va être financée dans le cadre de la relance économique, malgré un certain scepticisme des agriculteurs du village. La route est ainsi toujours aussi défoncée, d'où un certain nombre de ralentissements permettant à l'oreille du naturaliste d'entendre le plus fameux sentinelle de la forêt équatoriale: le Païpayo. L'équivalent du geai des chênes européens, qui, les promeneurs le savent, prévient toute la forêt de la présence d'intrus sur le territoire. La route est toujours défoncée, le Païpayo est toujours aussi bon gardien de la route, et le château de Tolkien est toujours en voie de disparition sous les plantes grimpantes.

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Un peu plus loin, la vue, toujours aussi imprenable, permet au promeneur de sonder l'intérieur guyanais, une forêt encore relativement bien préservée, malgré des graves menaces telles que l'orpaillage clandestin. Cette forêt, qui doit rappeler à mes grands-parents, adeptes de ce blog et que je salue, leur production de choux-fleurs, est envoutante. A une première couche de rouge s'étend de multiples verts sous le soleil équatorial...en gros, c'est joli !

 

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Nous arrivons ensuite à Cacao, qui dépend toujours de la commune de Roura.

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La balade au sein du village est toujours aussi agréable, et constitue un vrai coup de cœur dans ce département étonnant. On s'y balade le cœur tranquille, sous un soleil de plomb, commençant par le marché chaque dimanche matin, discutant avec certaines personnes hmongs arrivées ici dès le début, à la fin des années 70, alors qu'en ce début d'année 2010, d'autres personnes hmong sont encore dans des camps de réfugiés en Thaïlande, certains venant même d'être  ramenées au Laos. La balade est l'occasion de s' approvisionner en artisanat hmong, puis de retourner à l'éco-musée.

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Ce village offre en plus un panel important de plantes décoratives tropicales, fleuries ici ou là.

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Après cette première partie habituelle de journée, la découverte de certains champs agricoles, en direction du sentier de Molokoï, permet d'avoir plusieurs points de vue agréables sur le village, en pleine Amazonie.

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L'église de Cacao, en plein cœur de l'Amazonie guyanaise

La journée file au fil des sentiers de ce charmant bourg, et le retour, sous le soleil descendant, offre de très belles opportunités photographiques.

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Mais le summum de la journée pour ma petite âme de naturaliste amateur, arrive alors qu'un énième jeu de couleurs sur la forêt nous poussait à faire escale en bord de route. Une escale totalement dépaysante, car alors que l'appareil se pose sur mon œil, c'est bel et bien mon oreille qui est sollicitée. En dessus de nous, en dessus de cette forêt  amazonienne, des centaines de perroquets, tous de la même espèce, possiblement des piones à tête bleue, selon un passionné questionné, volent en petits groupes de quelques individus, pendant de nombreuses minutes. Un moment génial, qui me laisse admiratif de cette belle nature. L'Amazonie dans toute sa splendeur. Leur chant est net, et le soleil se couche tranquillement sur cette superbe observation inattendue. Les photos valent ce qu'elles valent, mais ce souvenir restera gravé de longues années.

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Population de perroquets (pionus menstruus ?) en vol au dessus de la forêt amazonienne.(Attention à ne pas confondre les perroquets avec les tâches de saleté de votre écran !)

9 janvier 2010

France/Guyane - Une (première) année à Cayenne

Ma vision de Cayenne, préfecture d'environ 60 000 habitants, a évolué au fil des mois. Sa taille intermédiaire, son architecture, la découverte de lieux de sortie variés, le métissage de ses habitants, la variété des milieux naturels qui l'entourent, la possibilité de suivre des conférences et autres soirées thématiques: sans hésiter, je la préfère à la ville spatiale Kourou, et même à Saint-Laurent-du-Maroni, trop loin de la mer et trop petite. Certes, Cayenne reste une ville assez calme, à la différence d'une Paramaribo (Suriname) ou d'une Oiapoque (Brésil), mais elle offre bien plus de possibilités que ses deux consœurs guyanaises. Il m'a juste fallu un certain temps d'adaptation, de découverte et "d'autocritique", pour apprécier la ville.

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Braderie de Cayenne 2009

Son marché. Un marché de grande taille permet au tout Cayenne de se retrouver après une semaine de travail. Petite généralité certes, mais faisant image au caractère assez rural de cette préfecture, et de la Guyane dans son ensemble. Aussi, le marché est le lieu de rencontres des agriculteurs hmongs ou créoles principalement, des vendeurs de boissons aux parfums alcoolisés, d'épices, de fruits de mer, ou encore d'objets d'arts, comme c'est le cas de ce vendeur haïtiens (peintures d'art naïf).

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Architecture et urbanisme. Une ville disposant de nombre de cases créoles, soit les maisons traditionnelles construites au fur et à mesure de l'histoire créole de la Guyane.

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Une rue du centre-ville

Ces cases créoles ne possèdent par exemple pas de fenêtres vitrées dans les baies, uniquement des volets en bois, des jalousies, qui protègent des intempéries. Une autre caractéristique architecturale est l'utilisation de tôles pour le toit, et parfois les murs. Le bois est bien sur amazonien. Aussi, certaines rues du centre-ville abordent un jeu de couleurs variées, au fil des façades des cases. Un vrai plaisir pour le photographe.

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Enseigne d'un (commerce) chinois, très courants en Guyane

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La place des palmistes, centre-ville

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Vue depuis le fort Cépérou

L'île de Cayenne: les plages. La grande banlieue de Cayenne (l'île) offre plusieurs kilomètres de plages dont je vous ai parlé dans des articles précédents. Des plages qui furent, pour l'habitant des Alpes que je suis, sources de plaisir dominical. Un réel changement que de faire quelques mètres avant de se retrouver sur ces plages sauvages et agréables.

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Plage de Zéphir (réglage crépuscule)

L'île de Cayenne: photos anecdotiques. Des photos anecdotiques, prises ici et là dans la banlieue de Cayenne, au fil d'une riche année de découvertes tant professionnelles que personnelles.

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Maison créole en cours de réhabilitation, Montabo

Et puis il y a ces fresques murales, à Suzini, représentant des scènes de vie passée dans la commune de Cayenne, en extérieur ou au sein d'une case. Un vrai régal à photographier et à regarder, même si elles mériteraient d'être davantage mises en avant.

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Une (première) année à Cayenne, c'est une chouette expérience de vie !

2 janvier 2010

France/Guyane - Ecologie: les salines de Montjoly

Les salines de Montjoly: une diversité d'écosystèmes connectés sur une faible distance, pour le plus grand plaisir des promeneurs, naturalistes et autres écologues! Située à 10 km du centre-ville de la préfecture, cette zone de promenade habituelle des habitants de l'île de Cayenne permet en effet de découvrir plusieurs milieux protégés. Cette zone n'a jamais été aménagée pour l'exploitation de sel, malgré son nom, et est préservée notamment grâce aux actions du Conservatoire du littoral. Zone humide remarquable, elle peut être découpée transversalement selon le schéma suivant (provenant d'un mémoire étudiant):

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Alors c'est parti pour une balade accompagnée de commentaires issus notamment du site web consacré aux salines...C'est tout d'abord en longeant le sentier situé en bout du cordon dunaire, constitué d'une végétation typique, que la balade commence...végétation typique des milieux sableux, notamment ces fameuses ipomées très présentes sur les plages de Cayenne, et qui jouent un rôle important dans la stabilisation du cordon, à la fois sur les plans géotechnique et éolien.

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Ipomées. Les racines, qu'on aperçoit grâce à la tortue qui a creusé le trou, stabilisent l'ensemble du cordon dunaire, peu ou pas attaqué par l'érosion des vagues.

Le sentier, situé en plein cordon sableux, offre la possibilité d'observer une faune et une flore intéressante. Ipomées donc, mais aussi divers types de palmiers. La faune est également particulière, tant l'avifaune (anis, tyrans) que l'on peut observée à  gauche, ou cette tortue olivâtre à droite.

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Faune et flore du cordon dunaire ne seront pas identiques à celles de la mangrove ou des marais

Le sentier continue et nous amène progressivement au marais d'eau douce situé plus à l'intérieur des terres. Au moment de la balade, en début de saison sèche, le marais prédominant est un marais à Eleocharis mutata (lagune). Il est possible d'y voir une flore composée de nénuphars, de jacinthes d'eau ou encore de lentilles d'eau. La faune y est également différente, avec de nombreux limicoles (aigrettes par exemple) et des passereaux. Le deuxième  type de marais rencontré est tourbeux à végétation herbacée.

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Le chemin se poursuit et nous amène maintenant sur une voie aménagée en plein cœur d'une mangrove. La seule voie aménagée au cœur d'une mangrove en Guyane. Cet écosystème abrite plusieurs espèces de palétuviers, et a la particularité d'être soumis aux flux de marées. Aussi, elle présente un substrat gorgé d'eau, instable, salée et pauvre en oxygène.

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Cet écosystème est étroitement lié aux bancs de vase. Forêt mobile couvrant la majorité du littoral guyanais, elle disparait en même temps que les mouvements du substrats vaseux, pour se former plus loin, à partir de la dissémination des graines de palétuviers par flottaison.

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Un moment saisissant, qui nous amène à l'exutoire ouvert, liant les eaux des salines aux eaux océaniques, et ainsi à la fin du sentier. Le retour par la plage peut être, en ce mois d'août, l'occasion d'observer des émergences. Cette balade est très intéressante. Facile d'accès, très tranquille, elle offre une belle solution de promenade du dimanche pour petits et grands. Elle permet également d'observer différents milieux liés en termes écologiques et hydrauliques, comme le montre les schémas ci-dessous. A ne pas manquer.

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Fonctionnement hydraulique (saison des pluies)

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Fonctionnement hydraulique (saison sèche)

20 décembre 2009

France/Guyane - Une journée à Montsinéry-Tonnégrande

Montsinery: petite commune rurale à proximité de Cayenne et en pleine expansion. Une commune composée également du bourg de Tonnégrande, mais ce n'est pas là, que je passais une belle journée, la première de mes vacances estivales d'août 09 en compagnie de mes parents, fraîchement débarqués de France métropolitaine pour découvrir la Guyane. En plus, Marion, une amie de longue date, elle-aussi en vacances à Kourou, et voilà 5 hauts-savoyards en force pour découvrir le bourg, sa crique et son zoo. Un bourg assez typique des autres bourgs ruraux de Guyane, et agréable à visiter. Mais comment mieux commencer cette journée que par une baignade à la crique patate, belle, naturelle et très prisée le week-end, paraît-il. Un petit arrêt pour apprécier la verdure d'une culture fourragère devant une végétation luxuriante splendide, et nous y sommes!

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Comment mieux débuter des vacances en Guyane qu'en mangeant en terrasse au bord du fleuve traversant le bourg. Un vieux rhum pour déguster des plats de recettes locales, alors qu'un pêcheur semble vérifier ses prises au filet.

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Découvrir le zoo de Guyane, une possibilité unique d'apercevoir dans une même journée nombre d'espèces fameuses d'Amazonie, et toutes les légendes qui en découlent. L'occasion de faire une petite balade dans une canopée de petite taille, de voir différentes espèces de mammifères arboricoles, de plantes, d'oiseaux...et de découvrir quelques animaux parmi les plus grands prédateurs d'Amérique du Sud. Hé oui, en effet il n'est pas si habituel de découvrir de beaux serpents, caïmans et autres félins dans la nature, mais quelques anecdotes, entendues de mes propres oreilles, valent le détour.

Le Jaguar. Plus grand félin d'Amérique, il est un des autres animaux sur lequel travaille l'association kwata. Se rappeler qu'il s'agit d'un des prédateurs de la tortue luth, à même les plages, laisse l'interlocuteur l'imaginer au bout de son jardin, à l'orée de la forêt. Et ce n'est pas faux. Combien d'anecdotes ai-je entendu à propos de rencontres entre l'homme et le jaguar? Parmi les plus étonnantes, les plus inquiétantes devrait-on dire, que penser de cette histoire d'école, ou l'ensemble des gamins sortant de leur classe, dans une école du fleuve Maroni, se retrouvèrent dans la cour en compagnie d'un jaguar? ou comment ne pas vivre l'émotion d'une personne se retrouvant face à lui. L'homme et le jaguar...Mon pote de kwata n'en a pas peur, même s'il le dit: entre nous, c'est lui le maître. En ayant  "bénévolé" avec des tortues, moi je me disais plutôt: entre nous, c'est moi le maître. Hé hé ! Ceci dit, la palme de l'anecdote reviendra à cet autre salarié, qui, courant novembre 09, lors d'une sortie "jaguar" justement (pose d'appareils photos selon un échantillonnage précis en forêt) tomba nez à nez avec un spécimen l'observant à quelques mètres alors qu'il était accroupi, le pantalon baissé... Ce jour là, il a dû, pendant quelques secondes certainement très longues, se rappeler du sketch de Bigard, "les grands moments de solitude"! Plus sérieusement, certains connaisseurs, dont mon pote technicien de kwata, affirment que ce félin n'est pas réellement à craindre. Plus curieux qu'autre chose, il est fréquent qu'il ait été pris par les appareils photos de kwata seulement quelques minutes après que ceux ci aient été installés...regarde bien derrière toi, car le jaguar, lui, sait où tu es !

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L'anaconda. Autre grand prédateur sud-américain, le plus grand serpent du monde peut en effet être très grand, comme le montre cette photo trouvée sur la toile (ici).

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Aucun spécimen observé en un an de Guyane, mais ce n'est pourtant pas si rare que cela...pour le voir, il faut savoir vivre près des criques! Aussi, lorsque vous sentez une odeur de poisson à proximité d'une rivière, pensez "anaconda à proximité" et non pas "acoupa sauce maracudja"! Hé oui, il dégagerait une odeur typique. Bon à savoir donc ! Dans le village amérindien de Trois-Sauts, reculée en pleine forêt et ou j'ai eu l'inestimable chance d'aller dans le cadre de mon année de volontaire civil, il est assez fréquent de voir ces serpents sources de légendes. Mais, pour relativiser les "on dit" ou plutôt les "on suppose après avoir vu un énième film épouvante à la con", il n'y a pas eu d'attaques de l'espèce sur les habitants du village depuis des années, alors que l'ensemble des personnes s'approchent des eaux du fleuve probablement quotidiennement. De quoi relativiser le danger. Le spécimen du zoo était quand à lui bien réveillé...même pas peur ! 

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Deux grands prédateurs d'Amazonie, rencontrés au fil de la balade parmi de nombreuses espèces de la faune de cette région à grande biodiversité: tortues, serpents et autres reptiles, mammifères (tapir, tamanoir, coatis roux etc), singes (atèles, tamarins, capucins etc).

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Podocnémide géante, plus grande tortue du sous-continent sud-américain

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  Coatis roux, cousins sud-américains du raton laveur

Et puis bien sur, de nombreux oiseaux, allant des perroquets aux grands aigles amazoniens. Parmi ceux-ci, citons tout particulièrement le Harpie féroce, énorme aigle de la forêt amazonienne et oiseau emblématique de la Guyane, au même titre que l'ibis rouge ou les toucans. Emblématique, mais difficile à observer dans la nature. Ce rapace, l'un des plus puissants, splendide, est capable de dévorer des proies de tailles acceptable: aras, iguanes, agoutis...et même paresseux. Pour le naturaliste, un appeau possible du paresseux peut justement être le cri de cet aigle.

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Harpie féroce, un des plus puissants aigles du monde

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Caïque Maïpourri, petit perroquet amazonien

Cette petite commune rurale du bassin de Cayenne offre ainsi un certain nombre d'opportunités au visiteur d'un jour: baignade en crique ou fleuve, balades dans le bourg, en savane ou en forêt, gastronomie de qualité et zoo. Une étape à ne pas manquer, pour tout habitant et tout vacancier de passage.

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