France/Guyane - L'orpaillage illégal, vu par la presse guyanaise
L'orpaillage illégal en Guyane est particulièrement médiatisé pour la double pollution qu'il génère: matières en suspension et mercure. Il n'est pas rare également d'entendre parler, dans certains documentaires, de l'insécurité liée aux attaques de mines légales par des garimperos. L'opération Harpie 2 a eu lieu en 2009. "La semaine guyanaise" a écrit de nombreux articles. Extraits choisis.
N°1332, 4-10 juillet 2009. "C'est une guerre des nerfs, une guerre d'usure que vit Saint-Elie. D'un côté, les gendarmes, constamment présents, à 9 ou 10, selon la relève. De l'autre les travailleurs clandestins de l'or qui - apparemment - ont déserté le bourg. Parmi ces étrangers en situation irrégulière, certains vivaient sur Saint-Elie depuis plus de 10 ans et pas exclusivement des Brésiliens. Avec ces dernières années, comme unique activité économique, l'orpaillage clandestin, ses commerces, ses emplois et son marché noir. "A leur arrivée mi-avril, les gendarmes ont d'abord mené une campagne d'information en prévenant les gens", raconte Rose Alexander, ancienne adjointe au maire, ex-agent de santé au dispensaire fermé depuis janvier 2006. Elle revient régulièrement dans la commune dont elle est originaire et possède une maison. J'ai vu trois phases de reconduite ces dernières semaines. Une fois les gendarmes en ont pris 20, une fois 12, une fois 17. En fait, ce sont les brésiliens qui viennent se livrer", indique-t-elle. Ce qu'un gendarme confirme: la plupart viennent d'eux mêmes car ils ont faim. On ne court pas après. Dans le bourg, une poignée de Brésiliens (à priori moins d'une vingtaine) restée sur place, connaît la chanson: "Segunda feira, seixta feira!": "lundi et vendredi" sont les deux jours de reconduites à partir de Saint-Elie. On les ramène en camion sur Petit Saut puis en pirogue", explique un gendarme. "Je suis venu me rendre", nous a indiqué, dimanche 28 juin, un Brésilien qui cueillait des oranges en attendant le lendemain. Selon les informations recueillies sur place, bon nombre d'illégaux se sont spontanément livrés pour repartir gratuitement au Brésil. (...)
Lac artificiel de Petit Saut. Nombre de sites d'orpaillage sont en amont.
Echange entre Frédéric Farine, journaliste, et une femme garimpero. "En forêt, nous avons tous le palu, à tour de rôle. J'ai eu encore une crise, il y a huit jours. Il ne nous reste qu'une tablette d'Artecom au camp. A la prochaine crise de l'un d'entre nous, plus de tablette." explique t'elle un brin fataliste. J'interroge Latidinia sur cette propension des ressortissants brésiliens à choisir l'aventure en Guyane. "Il faut comprendre les difficultés des classes défavorisées au Brésil. Qu'est-ce qu'il est possible de faire au Brésil pour des hommes qui ne savent ni lire ni écrire? De la maçonnerie, des charpentes: des travaux très mal payés là-bas. C'est une amie d'Altamira, ma ville d'origine au Para, qui m'a parlé de la Guyane en 2004" raconte encore Latidinia. "Elle venait d'en être expulsée après y avoir passé 2 ou 3 ans. Elle y vendait des vêtements, de la nourriture pour les sites d'orpaillage. Cela a bien marché pour elle en Guyane".
Lac de Petit Saut - Forêt noyée lors de la mise en eau du barrage
N° 1337 du 8 au 14 août 2009. Entretien entre ce même journaliste et un orpailleur du village clandestin de Zohia (région de Saul), secteur illustré sous le nom de "guérilla". "La plupart des gendarmes sont très bien entraînés, très bien éduqués. Mais pour une minorité d'entre eux, ce n'est pas le cas. Enfin, c'est sûr, ils ne sont pas violents, ils n'ont jamais tués personne sur un site" reprend Janilton qui explique travailler dans le secteur de Guérilla "depuis 2006". Pour lui, Guérilla n'existe plus. Alors qu'un an en arrière "en comptant l'ensemble des sites de ce secteur, on pouvait produire 12 à 15 kilos d'or en une journée! C'est fini maintenant. Et tout est cher ici.(...) Sur le problème de la violence entre garimperos sur Guérilla, Janilton dément: "il n'y a pas de violence, pas de meurtres à Guérilla, les villes de Guyane sont plus violentes que les sites d'orpaillage." Une affirmation contredite par l'instruction judiciaire en cours sur les crimes de Guérilla. "On a retrouvé 6 à 7 cadavres, dont certains abattus de balles dans le dos en 2007 et 2008" souligne une source judiciaire. Tout au plus, Janilton admet-il "des accidents, nombreux, dans les galeries qui s'effondrent". La galerie la plus profonde creusée à Guérilla ? "32 mètres", indique t'il. On apprend sur place comment les faire, puis on creuse à la pelle et à la pioche...Au Brésil, j'étais "motoboy" je faisais des courses en scooter pour une boutique à Manaus avant de venir en Guyane. Mais je refuse que mes frères viennent, c'est trop dur" poursuit-il. Sur la question écologique, Janilton a une parade: "Si on nous laissait faire, à notre départ, il n'y aurait ni trace de notre passage, ni de notre corotel (village d'orpailleurs)."(...) Sa présence en Guyane ? Il l'explique par le manque de perspective chez lui: "Au Brésil, il y a des terres avec de l'or mais le gouvernement n'autorise pas les garimperos à l'exploiter. J'ai étudié mais je n'ai pas eu l'opportunité d'avoir un bon travail dans mon pays" regrette-t-il.
Village sur le rivage brésilien de l'Oyapock. Un corotel ?