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Une Souris et des Hommes
28 janvier 2010

France/Guyane - In tropical tartiflette I don't trust

"La France est un des derniers pays européens qui ait le privilège d'héberger en son sein des identités territoriales et culturelles fortes. C'est le cas dans l'Hexagone avec la Corse, l'Alsace, le Pays basque...Outre-mer, ces identités sont encore plus marquées, étant le produit de cette histoire d'une rare violence mais aussi d'une époustouflante fraternité, d'une grande complexité au regard de leurs trajectoires sociologiques." Cette phrase, que je tire de l'interview de Christiane Taubira, député guyanaise, retranscrite dans l'excellent hors-série du Monde sur la France d'outre-mer, conforte les approches culinaires que j'ai pratiqué pour mettre en valeur mon identité savoyarde. Aussi, deux grands idéaux se cachent derrière cette valorisation culturelle: 

-L'espoir qu'un jour je cuisinerai des tartiflettes à des personnes sud-américaines.

-L'espoir qu'un jour, le monde sera plus égalitaire et permettra à davantage de sud-américains de venir manger des tartiflettes en Haute-Savoie.

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"In tropical tartiflette I don't trust"

La question de fond de cet article n'est en fait pas de savoir si mes tartiflettes étaient bonnes ou avec qui je les ai mangé, mais plutôt de comprendre dans quel cadre ces produits de Haute-Savoie se retrouvent dans les surfaces commerciales de la Guyane, ou encore comment une certaine politique économique a des conséquences sur le pouvoir d'achat des habitants des DOM-ROM. Hé oui man, comment un reblochon du 74 peut il se retrouver dans le 973 ? Comment le dieu du fromage peut il accepter de proposer une telle variété de fromages dans les supermarchés de Guyane, tous produits en métropole ? Pourquoi vendre des reblochons à 33 euros/kg alors que la production locale mériterait d'être développée ? Pourquoi cela, alors que les transports générés sont coûteux et polluants ?

Jamais, non jamais je ne m'étais posé autant de questions pour un reblochon.

Christiane Taubira l'indique dans cette même interview: "les prix et le pouvoir d'achat sont des révélateurs. La vie est chère en outre-mer, parce que le système est organisé selon des mécanismes inflationnistes: la surrémunération des fonctionnaires (prime de 40%), le maintien de l'économie d'importation, les lois de défiscalisation." Cette mondialisation appliquée à France ultramarine aboutit à des réalités ahurissantes: dans les Antilles françaises, la grande distribution fait venir des produits d'Europe ou d'ailleurs et les vend deux fois moins cher que ceux produits localement. La canne et la banane, économies subventionnées, servent à nourrir la métropole avant la Guadeloupe. Le sucre est raffiné sur le continent, avant d'être revendu dans l'île. L'eau en bouteille, comme la Didier (Martinique), reviennent plus cher que les eaux qui prennent leurs sources dans les volcans d'Auvergne ou en Savoie.

Nombre de produits sont aussi échangés avec les Antilles françaises. Toutefois, ce livre souligne le contexte géopolitique particulier de la Guyane, avec d'une part une contestation de la dépendance à l'égard des Antilles, et d'autre part la volonté d'ancrage sud-américain. Ainsi, le livre, écrit il y a une dizaine d'année, souligne (à juste titre ?) qu' "il n'y a pas chez les responsables guyanais de volonté de renforcer les liens avec les Antilles qui sont perçus comme se faisant au détriment de la Guyane, en relation avec le fait que la société guyanaise dans son ensemble montre un refus de toute dépendance à l'égard des Antilles. Ce sentiment s'est renforcé et s'est trouvé conforté par la réalité elle-même, le meilleur exemple étant constitué par les évènements d'octobre-novembre 1996 qui ont abouti à la création du rectorat de la Guyane, mesure qui s'est avérée indispensable autant sur le plan du symbole politique que de l'efficacité administrative. Ce sentiment ne vaut d'ailleurs plus seulement pour les structures administratives mais aussi pour les relations économiques et les critiques ne manquent pas vis-à-vis de l'institution du marché antillo-guyanais. Il n'y a, pour autant, de façon générale, aucune acrimonie ou difficulté d'intégration des Martiniquais ou des Guadeloupéens installés en Guyane mais simplement la volonté de voir la Guyane reconnue pour elle-même et non comme un appendice administratif ou économique des Antilles." 

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L'intégration au continent sud-américain parait nécessaire au département comme le cite le même livre: "l'appartenance géographique de la Guyane, fait que son horizon sud-américain, ses contacts immédiats avec les réalités du monde amazonien et les pays du plateau des Guyanes sont des facteurs essentiels d'intégration et de progrès de ce département. Etant en prise directe avec le Tiers-Monde (je recopie) la Guyane ne pourra pas se développer en dehors de son environnement proche et seule une politique active de coopération régionale constituera une condition de stabilité et par conséquent d'essor de l'économie guyanaise."

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Toutefois, dix ans après cet mots, la viande du Brésil passe toujours par la métropole avant de repartir en Guyane...Acheter les produits locaux: un raisonnement économique, social et environnemental de plus en plus mis en valeur en métropole, mais aussi dans les DOM. C'est mieux ainsi, même si je n'ai pas montré l'exemple, en l'occurrence.

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10 janvier 2010

France/Guyane - Back to Cacao !

Un dimanche ensoleillé du mois d'août et en compagnie familiale est une très bonne raison de passer une nouvelle journée dans le petit village rural de Cacao, que je vous avais présenté dans un article précédent. La route n'a pas changé, mais un grand évènement va faire en sorte qu'elle change. Le plan de relance de notre gouvernement de l'économie française mis en place par notre gouvernement. Hé oui, la réhabilitation de la route de Cacao, particulièrement en mauvais état, va être financée dans le cadre de la relance économique, malgré un certain scepticisme des agriculteurs du village. La route est ainsi toujours aussi défoncée, d'où un certain nombre de ralentissements permettant à l'oreille du naturaliste d'entendre le plus fameux sentinelle de la forêt équatoriale: le Païpayo. L'équivalent du geai des chênes européens, qui, les promeneurs le savent, prévient toute la forêt de la présence d'intrus sur le territoire. La route est toujours défoncée, le Païpayo est toujours aussi bon gardien de la route, et le château de Tolkien est toujours en voie de disparition sous les plantes grimpantes.

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Un peu plus loin, la vue, toujours aussi imprenable, permet au promeneur de sonder l'intérieur guyanais, une forêt encore relativement bien préservée, malgré des graves menaces telles que l'orpaillage clandestin. Cette forêt, qui doit rappeler à mes grands-parents, adeptes de ce blog et que je salue, leur production de choux-fleurs, est envoutante. A une première couche de rouge s'étend de multiples verts sous le soleil équatorial...en gros, c'est joli !

 

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Nous arrivons ensuite à Cacao, qui dépend toujours de la commune de Roura.

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La balade au sein du village est toujours aussi agréable, et constitue un vrai coup de cœur dans ce département étonnant. On s'y balade le cœur tranquille, sous un soleil de plomb, commençant par le marché chaque dimanche matin, discutant avec certaines personnes hmongs arrivées ici dès le début, à la fin des années 70, alors qu'en ce début d'année 2010, d'autres personnes hmong sont encore dans des camps de réfugiés en Thaïlande, certains venant même d'être  ramenées au Laos. La balade est l'occasion de s' approvisionner en artisanat hmong, puis de retourner à l'éco-musée.

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Ce village offre en plus un panel important de plantes décoratives tropicales, fleuries ici ou là.

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Après cette première partie habituelle de journée, la découverte de certains champs agricoles, en direction du sentier de Molokoï, permet d'avoir plusieurs points de vue agréables sur le village, en pleine Amazonie.

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L'église de Cacao, en plein cœur de l'Amazonie guyanaise

La journée file au fil des sentiers de ce charmant bourg, et le retour, sous le soleil descendant, offre de très belles opportunités photographiques.

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Mais le summum de la journée pour ma petite âme de naturaliste amateur, arrive alors qu'un énième jeu de couleurs sur la forêt nous poussait à faire escale en bord de route. Une escale totalement dépaysante, car alors que l'appareil se pose sur mon œil, c'est bel et bien mon oreille qui est sollicitée. En dessus de nous, en dessus de cette forêt  amazonienne, des centaines de perroquets, tous de la même espèce, possiblement des piones à tête bleue, selon un passionné questionné, volent en petits groupes de quelques individus, pendant de nombreuses minutes. Un moment génial, qui me laisse admiratif de cette belle nature. L'Amazonie dans toute sa splendeur. Leur chant est net, et le soleil se couche tranquillement sur cette superbe observation inattendue. Les photos valent ce qu'elles valent, mais ce souvenir restera gravé de longues années.

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Population de perroquets (pionus menstruus ?) en vol au dessus de la forêt amazonienne.(Attention à ne pas confondre les perroquets avec les tâches de saleté de votre écran !)

9 janvier 2010

France/Guyane - Une (première) année à Cayenne

Ma vision de Cayenne, préfecture d'environ 60 000 habitants, a évolué au fil des mois. Sa taille intermédiaire, son architecture, la découverte de lieux de sortie variés, le métissage de ses habitants, la variété des milieux naturels qui l'entourent, la possibilité de suivre des conférences et autres soirées thématiques: sans hésiter, je la préfère à la ville spatiale Kourou, et même à Saint-Laurent-du-Maroni, trop loin de la mer et trop petite. Certes, Cayenne reste une ville assez calme, à la différence d'une Paramaribo (Suriname) ou d'une Oiapoque (Brésil), mais elle offre bien plus de possibilités que ses deux consœurs guyanaises. Il m'a juste fallu un certain temps d'adaptation, de découverte et "d'autocritique", pour apprécier la ville.

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Braderie de Cayenne 2009

Son marché. Un marché de grande taille permet au tout Cayenne de se retrouver après une semaine de travail. Petite généralité certes, mais faisant image au caractère assez rural de cette préfecture, et de la Guyane dans son ensemble. Aussi, le marché est le lieu de rencontres des agriculteurs hmongs ou créoles principalement, des vendeurs de boissons aux parfums alcoolisés, d'épices, de fruits de mer, ou encore d'objets d'arts, comme c'est le cas de ce vendeur haïtiens (peintures d'art naïf).

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Architecture et urbanisme. Une ville disposant de nombre de cases créoles, soit les maisons traditionnelles construites au fur et à mesure de l'histoire créole de la Guyane.

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Une rue du centre-ville

Ces cases créoles ne possèdent par exemple pas de fenêtres vitrées dans les baies, uniquement des volets en bois, des jalousies, qui protègent des intempéries. Une autre caractéristique architecturale est l'utilisation de tôles pour le toit, et parfois les murs. Le bois est bien sur amazonien. Aussi, certaines rues du centre-ville abordent un jeu de couleurs variées, au fil des façades des cases. Un vrai plaisir pour le photographe.

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Enseigne d'un (commerce) chinois, très courants en Guyane

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La place des palmistes, centre-ville

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Vue depuis le fort Cépérou

L'île de Cayenne: les plages. La grande banlieue de Cayenne (l'île) offre plusieurs kilomètres de plages dont je vous ai parlé dans des articles précédents. Des plages qui furent, pour l'habitant des Alpes que je suis, sources de plaisir dominical. Un réel changement que de faire quelques mètres avant de se retrouver sur ces plages sauvages et agréables.

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Plage de Zéphir (réglage crépuscule)

L'île de Cayenne: photos anecdotiques. Des photos anecdotiques, prises ici et là dans la banlieue de Cayenne, au fil d'une riche année de découvertes tant professionnelles que personnelles.

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Maison créole en cours de réhabilitation, Montabo

Et puis il y a ces fresques murales, à Suzini, représentant des scènes de vie passée dans la commune de Cayenne, en extérieur ou au sein d'une case. Un vrai régal à photographier et à regarder, même si elles mériteraient d'être davantage mises en avant.

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Une (première) année à Cayenne, c'est une chouette expérience de vie !

2 janvier 2010

France/Guyane - Ecologie: les salines de Montjoly

Les salines de Montjoly: une diversité d'écosystèmes connectés sur une faible distance, pour le plus grand plaisir des promeneurs, naturalistes et autres écologues! Située à 10 km du centre-ville de la préfecture, cette zone de promenade habituelle des habitants de l'île de Cayenne permet en effet de découvrir plusieurs milieux protégés. Cette zone n'a jamais été aménagée pour l'exploitation de sel, malgré son nom, et est préservée notamment grâce aux actions du Conservatoire du littoral. Zone humide remarquable, elle peut être découpée transversalement selon le schéma suivant (provenant d'un mémoire étudiant):

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Alors c'est parti pour une balade accompagnée de commentaires issus notamment du site web consacré aux salines...C'est tout d'abord en longeant le sentier situé en bout du cordon dunaire, constitué d'une végétation typique, que la balade commence...végétation typique des milieux sableux, notamment ces fameuses ipomées très présentes sur les plages de Cayenne, et qui jouent un rôle important dans la stabilisation du cordon, à la fois sur les plans géotechnique et éolien.

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Ipomées. Les racines, qu'on aperçoit grâce à la tortue qui a creusé le trou, stabilisent l'ensemble du cordon dunaire, peu ou pas attaqué par l'érosion des vagues.

Le sentier, situé en plein cordon sableux, offre la possibilité d'observer une faune et une flore intéressante. Ipomées donc, mais aussi divers types de palmiers. La faune est également particulière, tant l'avifaune (anis, tyrans) que l'on peut observée à  gauche, ou cette tortue olivâtre à droite.

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Faune et flore du cordon dunaire ne seront pas identiques à celles de la mangrove ou des marais

Le sentier continue et nous amène progressivement au marais d'eau douce situé plus à l'intérieur des terres. Au moment de la balade, en début de saison sèche, le marais prédominant est un marais à Eleocharis mutata (lagune). Il est possible d'y voir une flore composée de nénuphars, de jacinthes d'eau ou encore de lentilles d'eau. La faune y est également différente, avec de nombreux limicoles (aigrettes par exemple) et des passereaux. Le deuxième  type de marais rencontré est tourbeux à végétation herbacée.

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Le chemin se poursuit et nous amène maintenant sur une voie aménagée en plein cœur d'une mangrove. La seule voie aménagée au cœur d'une mangrove en Guyane. Cet écosystème abrite plusieurs espèces de palétuviers, et a la particularité d'être soumis aux flux de marées. Aussi, elle présente un substrat gorgé d'eau, instable, salée et pauvre en oxygène.

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Cet écosystème est étroitement lié aux bancs de vase. Forêt mobile couvrant la majorité du littoral guyanais, elle disparait en même temps que les mouvements du substrats vaseux, pour se former plus loin, à partir de la dissémination des graines de palétuviers par flottaison.

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Un moment saisissant, qui nous amène à l'exutoire ouvert, liant les eaux des salines aux eaux océaniques, et ainsi à la fin du sentier. Le retour par la plage peut être, en ce mois d'août, l'occasion d'observer des émergences. Cette balade est très intéressante. Facile d'accès, très tranquille, elle offre une belle solution de promenade du dimanche pour petits et grands. Elle permet également d'observer différents milieux liés en termes écologiques et hydrauliques, comme le montre les schémas ci-dessous. A ne pas manquer.

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Fonctionnement hydraulique (saison des pluies)

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Fonctionnement hydraulique (saison sèche)

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