France/Guyane - La conservation des tortues marines: luthons !
Ou comment allier plage et travail bénévole ponctuel. Hé oui, derrière cette liaison dangereuse se trouve une réelle possibilité d'actions utiles pour la protection d'une faune rare et menacée: les tortues marines. En effet, peut-être sais-tu, lecteur ou lectrice, que les plages de Guyane sont des sites de pontes de trois espèces de tortues marines: la tortue verte, la tortue olivâtre et la reine de tortues marines, la tortue luth.
Mon adhésion au GEPOG, association d'ornithologue, m'a en effet permis de prendre connaissance, par le biais des lettres d'informations, de l'association Kwata, une autre assoc' travaillant particulièrement sur la connaissance et la conservation des tortues marines de Guyane. Revenons sur ce week-end de découvertes étonnantes.
Samedi 18 avril 2009 après-midi - Balade sur la plage de Rémire-Montjoly
Les plages de Rémire-Montjoly, commune plutôt huppée de l'île de Cayenne. Des plages peu fréquentées et ainsi restées à l'état sauvage donc naturel, modelées par la force des vagues au fil des mois. Des plages ainsi préservées, une eau agitée, charriant les sédiments de l'Amazone et ainsi considérées comme désagréables et peu attrayantes pour le tourisme de masse.
Une petite balade s'impose en cet bel après-midi et me permet de découvrir de nombreux œufs de tortues éclos dans les années précédentes...Ils ont été ressorties par l' arrivée des tortues de cette année, qui en préparant leur site de ponte creusent parfois pour enfouir leurs oeufs à 60-80 cm (tortues luth). J'avais cru dans un premier temps que des éclosions avaient déjà eu lieues, ou au contraire que les chiens errants étaient responsables de ces pertes. Sales bêtes.
Les aigrettes sont au rendez-vous, alors que des prises de vue originales sont possibles.
Le retour à la voiture se fit tout de même en découvrant 3 serpents à quelques mètres d'intervalle, au milieu des flaques sous la végétation ci-dessus. 3, rien que ça ! les ados brésiliens qui suivaient n'ont pas semblé le craindre...
Dimanche 19 avril matin - Formation au comptage des sites de pontes des tortues marines
Dimanche 19 avril, 7h30. Le soleil est doux, le vent agréable, je suis sur la plage et vais apprendre à reconnaître et compter correctement les sites de pontes des trois espèces de tortues marines de Guyane. Un réel engouement. Je tenais à faire un brin de bénévolat avec une association locale, et ce sera donc avec Kwata. Dans un des lieux à la diversité biologique la plus riche de la planète, il serait dommage de passer à coté de ce genre d'occasions,et mettre en pratique quelques enseignements théoriques sur l'écologie! Je rencontre Eddy, un salarié de l'association qui a lâché son travail pour se lancer dans les programmes de conservation de Kwata à temps plein.
Ponte d'une tortue verte, ponte d'une tortue luth. Deux styles différents, et donc reconnaissables. Après quelques généralités, on apprend à reconnaître les sites, et c'est parti pour un "scan" de l'ensemble de la plage. Sous la pluie, comme sous le beau-temps.
Site de ponte d'une tortue luth - Notez les traces encore fraîches de sortie et retour à l'eau
Site de ponte d'une tortue verte - l'espèce s'enterre presque entièrement pour pondre
La saison des pontes est encore à son début, celle des tortues olivâtres n'a pas encore débuté. Cette première matinée de bénévolat me permet de découvrir quelques données sur les tortues marines, qui comptent seulement 7 espèces. Je découvre par exemple avec étonnement que les Luth traversent l'atlantique. Il arrive que certains spécimens "enregistrés" (à l'aide d'une puce) au Canada viennent pondre en Guyane ! Comme quoi on peut voyager écologique, il suffit de manger des méduses et d'éviter la pollution alimentaire par les sacs plastiques.
Suite au contrôle de toutes les plages de Rémire-Montjoly, je m'approche d'un spécimen de tortue luth échoué mort la veille. Impressionnant. 400 kg à traîner sur le sable, pour parfois avoir peur des touristes flashant leur tête, être attaqué par des chiens errants - heureusement, la création récente d'un chenil à Cayenne va diminuer le nombre de sites dévastés par ceux-ci, environ 150 en 2008 - voire braconnés, tout simplement. En l'occurrence, ce spécimen sera surement enlevé (explosé ?) par les pompiers...à moins que les vautours "locaux", les urubus noirs, en fassent leur affaire...
Pour conclure sur une note plus optimiste, il s'avère que les pontes de tortues luth en Guyane explosent depuis deux ans, et semblent bien parties pour suivre le rythme cette année. Alors qu' environ 400-500 pontes étaient répertoriées il y a dix ans, il y en a eu 5000 en 2007 et 6000 en 2008, selon les dires de notre formateur. Les raisons sont bien sur mal connues, politique de conservation, diminution des prédateurs (requins, orques) ou plus globalement modification de l'équilibre écologique global sont évoquées (cela en fera sourire certains...). Pourvu que ça dure!