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Une Souris et des Hommes
24 décembre 2008

France/Guyane - Excursion sur le Maroni: Apatou

"Bushinengé" ou "Noirs marrons"...noms surement peu connus en métropole. Petit cours d'histoire... A la fin du 17ième siècle, des esclaves noirs, employés au Surinam, l'ancienne Guyane hollandaise, profitèrent du désordre général pour se révolter et se réfugier dans la forêt. Cette fuite se nomme le marronnage. Elle a existé dans toutes les sociétés de plantations, mais ailleurs qu'au Surinam ces sociétés se sont fondues dans les sociétés créoles émergentes lors des abolitions de l'esclavage. Ainsi, les six groupes de Noirs marrons actuels sont les seuls à être demeurés intacts jusqu'à aujourd'hui. Le terme de Bushinengé signifie dans une de leur langue "hommes de la forêt"... En effet, les populations bushinengés actuelles vivent essentiellement dans des villages et campoe (une sorte de "hameau") le long du fleuve Maroni, des côtés surinamais et français, même si nombre d'entre eux ont gagné les villes du littoral, particulièrement Saint-Laurent du Maroni. Les Bushinengés, en particulier les Bonis, sont aussi les spécialistes des pirogues, qui permettent à toute personne de rejoindre les habitations seulement atteignables par le fleuve...et c'est donc en pirogue que dans un cadre professionnel, je réalise une première excursion sur le fleuve Maroni, le fleuve roi de la Guyane, frontière naturelle entre la Guyane et le Surinam. J'aurai le temps de visiter, durant les moments creux de ma mission, plusieurs petits villages. 

D_part_de_SLM

Nous montons dans la pirogue, le moteur gronde et la magie opère. Une sensation d'aventure se dégage à travers ce moment de terrain particulièrement fort. Sur la photo de gauche, une île qui abritait dans le temps des bagnards malades de la lèpre. 

Sur_le_fleuve3 Sur_le_fleuve4 Sur_le_fleuve5

CIMG2846

Les paysages défilent...des oiseaux volent autour et sur le fleuve, parfois prêt de nous. A chaque approche de rive, je traque la moindre trace animale. Ils sont trop bien cachés pour moi et je n'en verrai pas. Puis, petit à petit, le nombre d'habitations et de campoe augmentent de part et d'autre du fleuve...et après un peu plus de deux heures, nous arrivons à Maïman, sur la commune d'Apatou.

CIMG2860

Premier arrêt, forte sensation de dépaysement. Je m'approche des sites que je dois visiter et profite de chaque moment que m'offrent mes yeux pour apprécier ce paysage tellement différent de tout ce que j'ai pu voir auparavant.   

Maiman

Nous reprenons le chemin, ou plutôt le fleuve, voyons du monde sur les rives, comme ce petit groupe de jeunes nettoyant des chaises bleues, blanches et rouges. Dans le même temps, nous croisons d'autres pirogues, certaines redescendent de plus haut, des communes amérindiennes notamment, mais aussi du bourg (centre) d'Apatou, première commune ou nous nous arrêtons plus longuement. Voilà une carte la situant bien, sur le Maroni, à l'Est.

 

Carte_guyane1_1_

Nous voilà donc dans le centre de la première commune du fleuve Maroni. Dépaysement important. Des  personnes nettoient leur matériel dans le fleuve. Le fleuve fait partie de leur identité, bien plus que les deux pays qu'elles côtoient. Ces personnes vivent avec et par le Maroni. Leur fleuve est leur vie, comme la montagne l'est pour certains savoyards. 

Apatou

Apatou2bis Apatou6 Apatou3bis

Suite des visites programmées...Je réalise davantage les difficultés de la vie de tout les jours pour un enseignant fraichement débarqué: logements, forme potentiellement mortelle du paludisme, accès aux services de santé, seulement après plusieurs heures de pirogue. Dans le domaine de l'Education Nationale, le personnel manque sur le fleuve.

guyane 

Alors que je discute avec une personne d'une école, une drôle de patte sort de la petite cage que j'avais remarqué dans un coin de la pièce...j'imaginais qu'il y avait je ne sais quel petit animal de compagnie. mais un splendide jeune paresseux en sort ! je m'en approche et le regarde monter méticuleusement l'étagère, à scruter toute prise possible. je lui caresse la bouille, je me permets, il me regarde et sa petite bouille est vraiment craquante. Ces animaux sont superbes très attachants. Celui là va peut être finir par appartenir à quelqu'un, malheureusement.

Paresseux3 Paresseux2

Je réalise les tâches qui m'ont emmené ici, puis profite d'un moment de pause pour le balader dans le bourg. C'est aussi le cas de nombreux mômes de la commune, qui rentrent chez eux. 

Apatou10 Sortie_Ecole3 Sortie_Ecole 

Sortie_Ecole2

Visites de sites terminée à Apatou. La remontée du fleuve continue...nous nous arrêtons acheter de la nourriture à un campoe, un endroit magnifique où je dormirai le lendemain. Nous nous approchons alors d'Apagui, une école sur une petite butte, là aussi splendide. Un beau cadre pour les élèves.

Apagui Apagui4 Apagui2   

C'est ici que nous décidons de dormir. Nous posons le hamac, et j'en profite alors pour prendre quelques photos du coucher du jour. Je suis heureux de pouvoir prendre ces photos, ce coucher de soleil dans le cœur de l'Amazonie française.

coucher_de_soleil

Arrive alors l'heure du repas. J'ai dans mon sac deux oranges et deux boites de sardines..mais les piroguiers ont acheté leur repas et nous en proposent. De quoi s'agit il ? d'un poisson du même ordre (mais, après vérification, pas de la même famille) qu'un célèbre poisson des aquariums d'eau douce tropicale que l'on rencontre en métropole. Un poisson très recherché en Guyane par les personnes créoles, noirs marrons et amérindiennes. Ainsi, pour résumé, j'ai le choix entre manger des sardines en boite, ou les frères guyanais du...pléco! Le poisson le plus prisé est l'atipa du fleuve, avec une réelle carapace, à la couleur uniforme sur la photo.

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Le repas est très typique. Je déguste l'atipa avec du kwak, un des aliments de base de la cuisine de Guyane, fait à partir de la racine de manioc. Malgré un peu de réticences, j'enlève sa carapace préhistorique et déguste sa chaire, delicieuse. Belle soirée au coeur de l'Amazonie, à discuter avec les piroguiers sous un fond sonore de reggae jamaicain. Des images de coucher de soleil, en forêt amazonienne, une nuit en hamac, des nouvelles découvertes culinaires et des échanges enrichissants: un des moments forts de mes trois premiers mois en Guyane.

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Bonnes fêtes à tous. J'espère qu'elles se dérouleront dans la paix et le bonheur.

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7 décembre 2008

France/Guyane - Réputation de la faune guyanaise: légende ou réalité?

"Guyane". Le nom est prononcé, l'onde atteint le tympan voisin, le sursaut émotionnel a lieu. Pour les uns, une terre d'aventure, riche d'une population multiculturelle que l'Histoire a fait venir des cinq continents au fil de vagues d'immigrations souvent douloureuses, d'une nature belle et envoutante. Pour les autres - la majorité d'après moi- une terre à problèmes, sorte de nouveau "far west" selon les émissions métropolitaines et riche d'une forêt aussi vierge que dangereuse. Aussi vais-je fournir un élément de réponse à cette question: y a t-il lieu de vraiment avoir peur des agressions animales en Guyane ? Ma réponse sera en fait celle d'une étude que je suis en train de lire après l'avoir téléchargé sur le site de la Banque de Donnée de Santé Publique (BDSP) et qui s'intitule "agressions par la faune en Guyane française: étude rétrospective sur 4 ans", et écrite par E.Mimeau et P.Chesneau. Je vais donc synthétiser cette synthèse, unique solution pour donner un avis pertinent et scientifique sur ce sujet. J'en profite pour y joindre une série de photos d'animaux en tout genre que j'ai photographié autour de chez moi.

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    Papillon de nuit, envergure 10-12 cm.

Ainsi la diversité et la beauté de la faune guyanaise n'a d'égal que sa fâcheuse réputation...Le premier animal que je vis ici, fut un animal craint également en métropole...m'en allant vers la voiture de mon ami sur le parking de l'aéroport, une grosse chenille - la plus grosse que je n'ai probablement jamais vu, mais peut-être un bébé, ironise Éric - traverse langoureusement le parking. Était-elle urticante pour l'Homme ? Je ne le serai jamais. Mais j'ai appris grâce à cette étude, qui s'est basée sur les appels de la population au SAMU, que les arthropodes, et en particulier les hymenoptères volants (fourmis, guêpes, abeilles) constituent la première source d' "enquiquinements faunistiques" de Guyane: guêpes et autres insectes volants sont la première source de blessures animales en Guyane, et sont nuisibles en zone urbaine ( ce qui semble logique, compte tenu de la proportion de population y vivant) et en période de saison sèche.

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Scarabée (mort), taille: 5-7 cm   

Qu'en est t'il des autres arthropodes, les scorpions par exemple ? Leur piqure a fait l'objet de 65 appels, dont 38.5% provenant d'une zone urbaine...et les fameuses mygales, elles ont été la cause de...3 appels en 4 ans. Impressionnant, n'est-ce-pas ? 

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papillon diurne, envergure 6-8 cm

Et les serpents alors? Ces fameuses bébêtes fantasmatiques, qui engendrent tellement de peur, particulièrement quand on parle de la Guyane...sur une centaine d'appels pour envimation ophidienne en 4 ans, 60 provenaient de morsures en forêt. Quelques calculs s'imposent...le livre de Jean-Philippe Chippaux publié en 2002 et intitulé "Venins de serpents et envenimations" explique qu' "En France, on peut estimer que l'incidence moyenne des morsures de serpents est d'environ 3.5 pour 100 000 habitants. Cela correspond à environ 2000 morsures, soit près de 500 envenimations et 1 décès par an." Ainsi, la comparaison est claire: 25 envenimations par an en Guyane, soit 1.25*10-4 envenimations/hab.an contre 8.33*10-6 envenimations/hab.an en France. Si on ramenait ce chiffre au nombre de serpents sur le territoire, la Guyane serait probablement moins dangereuse que la métropole en terme de fréquences de  morsures... La vrai différence réside dans le risque de mortalité lié aux morsures de quelques uns de nos compères, notamment les Grages Grands Carreaux et les Fer de Lance. En tout cas, ce lézard, malgré sa taille impressionante à première vue - comparez la à la canette de Fanta - est assez commun le long des routes ou dans les jardins.

 

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Lézard, taille 25-30 cm

Comment interpréter ces chiffres? Tout d'abord, en disant que les hyménoptères volants que sont nos guèpes, abeilles et autres fourmis représentent plus du tiers des appels au SAMU pour une agression par la faune. Tout piqûre peut entraîner une réaction nocive chez un sujet allergique. Cependant, une espère est connue pour des attaques massives entraînant de vériables envenimations: "l'abeille africanisée" ou "abeille tueuse". Elle a acquis son surnom par un comportement "défensif" des plus aggressifs! Face à un danger, l'essaim dérangé attaque massivement et poursuit l'agresseur sur une longue distance. Une belle saloperie ces abeilles, et autant dire qu'il n'est pas inutile de savoir reconnaître leurs nids pour faire demi-tour et appeler des spécialistes de destruction des nids. La dose létale pour l'homme est d'environ 22 piqûres par kg de poids corporel..ça peut faire souffler, mais quand on sait que parfois des milliers d'abeilles restent autour de la personne attaquée, on comprend qu'on y est vite. Les deuxièmes causes de blessures par la faune sont donc les morsures de serpents, même si elles restent donc rares. Et quelle est la troisième cause? La réponse est simple: les morsures de chiens! Hé oui, de nouveau, ils sont un danger bien plus présents que la plupart des animaux sauvages, un peu comme avec les moutons des Alpes, dont les attaques par les loups sont hypermédiatisées alors qu'on ne parle jamais de la première cause d'attaques que sont les chiens. Bref, une manipulation médiatique de plus, même si le débat est légitime...Continuons cet article en plagiant la conclusion de l'étude: " la question des agressions par la faune, en Guyane, n'est pas anodine. Ce département est plus concerné que ses homologues métropolitains, même si ces agressions ne représentent que 1% des appels au SAMU de Guyane.(...)A travers cette étude, on a pu voir que les agressions par hyménoptères volants, serpents et chiens et scorpions composaient l'essentiel des agressions par la faune en Guyane. Les agressions par félins sauvages peuvent toujours survenir, mais dans des conditions exceptionnelles.(Ainsi) les mythes et fantasmes qui abondent dans les histoires sur la Guyane doivent être considérés pour ce qu'ils sont: des récits fabuleux qui témoignent de l'imagination de l'homme face à une merveilleuse contrée! " L'étude ne mentionne pas du tout les anacondas. Deux raisons possibles: soit les attaques sont presque inexistantes, soit les individus sont presque inexistants, quelques restes errants dans les fèces de ces chouettes serpents.

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