France/Guyane - Excursion sur le Maroni: Apatou
"Bushinengé" ou "Noirs marrons"...noms surement peu connus en métropole. Petit cours d'histoire... A la fin du 17ième siècle, des esclaves noirs, employés au Surinam, l'ancienne Guyane hollandaise, profitèrent du désordre général pour se révolter et se réfugier dans la forêt. Cette fuite se nomme le marronnage. Elle a existé dans toutes les sociétés de plantations, mais ailleurs qu'au Surinam ces sociétés se sont fondues dans les sociétés créoles émergentes lors des abolitions de l'esclavage. Ainsi, les six groupes de Noirs marrons actuels sont les seuls à être demeurés intacts jusqu'à aujourd'hui. Le terme de Bushinengé signifie dans une de leur langue "hommes de la forêt"... En effet, les populations bushinengés actuelles vivent essentiellement dans des villages et campoe (une sorte de "hameau") le long du fleuve Maroni, des côtés surinamais et français, même si nombre d'entre eux ont gagné les villes du littoral, particulièrement Saint-Laurent du Maroni. Les Bushinengés, en particulier les Bonis, sont aussi les spécialistes des pirogues, qui permettent à toute personne de rejoindre les habitations seulement atteignables par le fleuve...et c'est donc en pirogue que dans un cadre professionnel, je réalise une première excursion sur le fleuve Maroni, le fleuve roi de la Guyane, frontière naturelle entre la Guyane et le Surinam. J'aurai le temps de visiter, durant les moments creux de ma mission, plusieurs petits villages.
Nous montons dans la pirogue, le moteur gronde et la magie opère. Une sensation d'aventure se dégage à travers ce moment de terrain particulièrement fort. Sur la photo de gauche, une île qui abritait dans le temps des bagnards malades de la lèpre.
Les paysages défilent...des oiseaux volent autour et sur le fleuve, parfois prêt de nous. A chaque approche de rive, je traque la moindre trace animale. Ils sont trop bien cachés pour moi et je n'en verrai pas. Puis, petit à petit, le nombre d'habitations et de campoe augmentent de part et d'autre du fleuve...et après un peu plus de deux heures, nous arrivons à Maïman, sur la commune d'Apatou.
Premier arrêt, forte sensation de dépaysement. Je m'approche des sites que je dois visiter et profite de chaque moment que m'offrent mes yeux pour apprécier ce paysage tellement différent de tout ce que j'ai pu voir auparavant.
Nous reprenons le chemin, ou plutôt le fleuve, voyons du monde sur les rives, comme ce petit groupe de jeunes nettoyant des chaises bleues, blanches et rouges. Dans le même temps, nous croisons d'autres pirogues, certaines redescendent de plus haut, des communes amérindiennes notamment, mais aussi du bourg (centre) d'Apatou, première commune ou nous nous arrêtons plus longuement. Voilà une carte la situant bien, sur le Maroni, à l'Est.
Nous voilà donc dans le centre de la première commune du fleuve Maroni. Dépaysement important. Des personnes nettoient leur matériel dans le fleuve. Le fleuve fait partie de leur identité, bien plus que les deux pays qu'elles côtoient. Ces personnes vivent avec et par le Maroni. Leur fleuve est leur vie, comme la montagne l'est pour certains savoyards.
Suite des visites programmées...Je réalise davantage les difficultés de la vie de tout les jours pour un enseignant fraichement débarqué: logements, forme potentiellement mortelle du paludisme, accès aux services de santé, seulement après plusieurs heures de pirogue. Dans le domaine de l'Education Nationale, le personnel manque sur le fleuve.
Alors que je discute avec une personne d'une école, une drôle de patte sort de la petite cage que j'avais remarqué dans un coin de la pièce...j'imaginais qu'il y avait je ne sais quel petit animal de compagnie. mais un splendide jeune paresseux en sort ! je m'en approche et le regarde monter méticuleusement l'étagère, à scruter toute prise possible. je lui caresse la bouille, je me permets, il me regarde et sa petite bouille est vraiment craquante. Ces animaux sont superbes très attachants. Celui là va peut être finir par appartenir à quelqu'un, malheureusement.
Je réalise les tâches qui m'ont emmené ici, puis profite d'un moment de pause pour le balader dans le bourg. C'est aussi le cas de nombreux mômes de la commune, qui rentrent chez eux.
Visites de sites terminée à Apatou. La remontée du fleuve continue...nous nous arrêtons acheter de la nourriture à un campoe, un endroit magnifique où je dormirai le lendemain. Nous nous approchons alors d'Apagui, une école sur une petite butte, là aussi splendide. Un beau cadre pour les élèves.
C'est ici que nous décidons de dormir. Nous posons le hamac, et j'en profite alors pour prendre quelques photos du coucher du jour. Je suis heureux de pouvoir prendre ces photos, ce coucher de soleil dans le cœur de l'Amazonie française.
Arrive alors l'heure du repas. J'ai dans mon sac deux oranges et deux boites de sardines..mais les piroguiers ont acheté leur repas et nous en proposent. De quoi s'agit il ? d'un poisson du même ordre (mais, après vérification, pas de la même famille) qu'un célèbre poisson des aquariums d'eau douce tropicale que l'on rencontre en métropole. Un poisson très recherché en Guyane par les personnes créoles, noirs marrons et amérindiennes. Ainsi, pour résumé, j'ai le choix entre manger des sardines en boite, ou les frères guyanais du...pléco! Le poisson le plus prisé est l'atipa du fleuve, avec une réelle carapace, à la couleur uniforme sur la photo.
Le repas est très typique. Je déguste l'atipa avec du kwak, un des aliments de base de la cuisine de Guyane, fait à partir de la racine de manioc. Malgré un peu de réticences, j'enlève sa carapace préhistorique et déguste sa chaire, delicieuse. Belle soirée au coeur de l'Amazonie, à discuter avec les piroguiers sous un fond sonore de reggae jamaicain. Des images de coucher de soleil, en forêt amazonienne, une nuit en hamac, des nouvelles découvertes culinaires et des échanges enrichissants: un des moments forts de mes trois premiers mois en Guyane.
Bonnes fêtes à tous. J'espère qu'elles se dérouleront dans la paix et le bonheur.